Zones grises et responsabilités professionnelles : avez-vous la bonne couverture?
Cet article s’inscrit dans la collection « PRATIQUE EXEMPLAIRE ».
Par la Direction de la surveillance et de l’inspection professionnelle.
Marc¹, ingénieur depuis une dizaine d’années, reçoit une demande d’un client de longue date. On lui demande de vérifier si le système mécanique respecte une norme canadienne précise. Pour ce faire, il lui suffit de remplir un formulaire en s’appuyant uniquement sur une observation visuelle. Il accepte sans hésiter. Le mandat paraît simple à première vue : cocher « oui » ou « non » sur un formulaire pour indiquer si le système respecte ou non les normes. Pas de conception, pas de calculs complexes, pas de plans à signer. Bref, rien qui lui semble relever des activités réservées aux ingénieures et aux ingénieurs. Il remplit le formulaire, remet son attestation et passe à autre chose.
Quelques mois plus tard, son client revient vers lui. Le système ne fonctionne pas comme prévu, et il reproche à l’ingénieur de ne pas l’avoir prévenu de certaines lacunes. Pourtant, lorsqu’il a réalisé le mandat, Marc avait ajouté quelques lignes de recommandations, pensant bien faire. Ce détail a suffi pour transformer une tâche banale en activité réservée… sans que Marc ne s’en rende compte. Et, surtout, sans qu’il ait mis à jour sa déclaration de pratique ni sa couverture d’assurance responsabilité professionnelle.
Une frontière floue
Ce genre de situation n’est pas rare. Les « zones grises » en pratique professionnelle apparaissent lorsque la nature des services rendus n’est pas claire ou lorsqu’on croit à tort qu’une activité n’engendre aucune obligation supplémentaire. Deux situations posent problème de façon récurrente. La première : l’ingénieure ou l’ingénieur qui, tout en exerçant principalement en pratique générale, se voit confier un mandat ponctuel par un client qui n’est pas son employeur. On entre alors dans une pratique mixte, qui combine pratique générale et privée. Même marginale, la part de la pratique privée doit être couverte adéquatement.
La seconde : lorsqu’une ingénieure ou un ingénieur occupe un deuxième emploi parallèlement à son poste principal. Il peut s’agir d’une activité d’enseignement, de consultation ou de services techniques. Tant que les tâches ne relèvent pas d’activités réservées2, tout va bien. Mais une seule tâche réservée oblige à souscrire au régime d’assurance complémentaire.
Quand les intentions ne suffisent pas
Du point de vue de l’assurance responsabilité professionnelle (ARP), la règle est claire : si l’activité n’est pas déclarée et couverte, il n’y a pas de protection. Une simple erreur de jugement ou un oubli administratif peut exposer l’ingénieure ou l’ingénieur à des poursuites — avec des conséquences financières réelles et des répercussions potentielles sur la protection du public.
C’est ce qui est arrivé à Julie¹, ingénieure en génie civil, lorsque son employeur lui a confié un nouveau mandat auprès d’un client municipal. Elle croyait qu’il s’agissait d’un élargissement de son rôle habituel, mais le projet relevait en fait de la pratique privée, assortie d’implications juridiques différentes. Heureusement, un échange avec le service de l’ARP de l’Ordre a permis de rectifier la situation à temps : Julie a mis à jour sa déclaration de pratique et a souscrit au régime collectif complémentaire. Un réflexe qui lui a évité bien des tracas.
Reconnaître les zones grises
Alors, comment savoir si l’on entre dans une zone grise ? Il y a plusieurs signaux d’alerte :
• Vous commencez à donner un avis professionnel ou des recommandations dans un contexte qui sort du cadre habituel de votre emploi.
• Vous répondez à un client externe, même si c’est seulement anecdotique.
• Vos tâches semblent toucher à la conception, à l’évaluation de conformité ou à la supervision technique. Dès que la démarcation entre pratique générale et pratique privée, ou entre activités réservées et non réservées, devient floue, il est temps de faire le point.
Des ressources pour éviter les faux pas
Heureusement, il existe des réflexes simples pour prévenir les situations problématiques.
• Prenez le temps de bien analyser la nature des mandats avant de les accepter.
• Renseignez-vous sur les définitions de pratique générale, pratique privée et pratique privée occasionnelle, ainsi que sur les obligations qui relèvent de chacune.
• Parlez à votre courtier ou consultez l’équipe de l’ARP de l’Ordre. Cette dernière peut vous aider à y voir plus clair. Lors d’une récente campagne de sensibilisation, plusieurs membres ont découvert qu’ils n’avaient pas déclaré correctement leur type de pratique. Certains pensaient être entièrement couverts, mais n’avaient pas pris conscience que leurs tâches relevaient de la pratique privée. Après avoir contacté l’Ordre, ils ont pu corriger le tir et éviter des situations périlleuses.
• Ne vous fiez jamais uniquement à ce que font vos collègues ou à des règles présumées. Ce qui est bon pour l’un peut ne pas l’être pour l’autre. La ligne est parfois mince entre une tâche administrative et un acte professionnel. Mieux vaut poser une question de trop que de se retrouver sans assurance. Une bonne déclaration, une couverture adaptée et quelques bons réflexes peuvent vous protéger. Parce que le risque zéro n’existe pas, l’assurance responsabilité est là.
1. Les prénoms sont fictifs.
2. Un nouveau volet s’ajoute à notre programme d’assurance responsabilité professionnelle pour couvrir les membres en pratique privée offrant des services non réservés, conformément aux récentes modifications apportées au Code des professions du Québec.
Des questions ? Écrivez-nous à [email protected].
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