, 6 septembre 2023

Luc Sirois, ing. : l’allumeur d’innovations

L’innovateur en chef du Québec Luc Sirois, ing., met son génie au service de celles et ceux qui créent les nouvelles technologies susceptibles d’améliorer le bien commun.

Cet article s’inscrit dans la collection « Génie à la une ».
Par Pascale Guéricolas, photos : Israel Valencia, Chloé Dulude et Didier Bicep


 

La lecture du curriculum vitæ de Luc Sirois donne l’impression que cet ingénieur en génie électrique de formation a réussi l’impossible : combiner plusieurs vies professionnelles en une. Il cumule en effet des formations et des expériences de travail variées, aussi bien dans le domaine des télécommunications que dans le secteur de la stratégie de haut vol et dans l’univers de la technologie de la santé. Dès la fin de son baccalauréat à l’Université McGill en 1991, le diplômé se distingue. Deuxième parmi 391 étudiants, il reçoit notamment la bourse Krashinsky de l’Ordre pour son implication communautaire et sa vision du rôle de l’ingénieur dans la société. Rapidement, le voici directeur marketing multimédia chez Bell, chargé d’un réseau à haute vitesse pour l’industrie des médias. Ce sujet le passionne à un tel point qu’il suit en parallèle des cours de journalisme à l’Université de Montréal, au grand étonnement de ses professeurs.

« Je savais que le monde des médias allait être profondément transformé par les télécommunications, qui s’apprêtaient à vivre un combat de titans entre des chefs de file comme Bell et Vidéotron », se souvient Luc Sirois. Ce désir de parfaire ses connaissances, cette soif intense d’apprendre caractérise d’ailleurs ce curieux de nature qui, enfant, dévorait les manuels d’électronique.

L’envie de mieux comprendre les rouages du monde de la finance internationale le conduit alors à l’Université Harvard. Fils d’une famille modeste, il n’hésite pas à mettre de côté une carrière prometteuse pour apprendre à frayer avec les meilleurs en faisant un MBA dans cet établissement renommé. Là encore, ce travailleur infatigable performe en terminant parmi les 5 % des étudiantes et étudiants de sa promotion qui se démarquent par l’excellence de leurs résultats.

Faire carrière au Québec

À ce stade de l’histoire, il est facile d’imaginer Luc Sirois propulsé dans les hautes sphères de multinationales comme Apple ou Microsoft, qui courtisent les finissants et finissantes de Harvard. Erreur. Un autre trait de sa personnalité concerne son attachement au Québec et son intention de contribuer à son essor pour les prochaines générations. L’affaire est entendue, la famille rentre à Montréal. Conseiller en commerce électronique, stratège en transformation et innovation pour de grandes entreprises, l’ingénieur se trouve aux premières loges d’une forte croissance pour le cabinet McKinsey nouvellement établi à Montréal.

Fort de sa capacité comme ingénieur à imaginer l’avenir à partir d’une boîte noire tout en maîtrisant sur le bout des doigts le langage des affaires, Luc Sirois possède les meilleurs outils. Il conseille donc des clients au Québec, mais aussi en France, en Angleterre, en Suisse, sur la façon de s’engager sur l’autoroute de l’information.

Arrive l’année 2001. Une grande partie du monde des télécommunications s’effondre. Ces années noires donnent l’idée au diplômé en génie électrique de laisser libre cours à ses aspirations d’entrepreneur et de s’orienter vers la santé. À la différence des télécommunications, les besoins dans ce domaine ne fluctuent pas selon les cycles économiques. Un ami lui présente alors un chercheur de l’Hôpital général de Montréal qui vient de mettre au point une technologie d’imagerie médicale en 3D prometteuse. Son but : mieux cibler les radiations nécessaires pour traiter efficacement les cancers par radiothérapie.

 

Je compare mes études en génie à l’intensité d’un entraînement militaire. Les concepts sont très théoriques, et cela développe la discipline et le muscle intellectuel pur.

Luc Sirois, ing. — Conseil de l’innovation du Québec

 

Les défis de la santé

Bénéficiant d’une bonne réputation, le cofondateur de Resonant Medical convainc les investisseurs de se lancer dans cette aventure, sans savoir que le monde médical réserve quelques surprises pas forcément agréables. « Aujourd’hui, je mets en garde les jeunes entrepreneurs que je coache, car il s’agit d’un univers extrêmement complexe, explique Luc Sirois. Par exemple, le personnel médical, donc l’utilisateur, a beau reconnaître la valeur d’un nouvel équipement, il faut qu’une compagnie d’assurances intervienne avant de conclure l’achat, et il faut aussi convaincre la direction de l’hôpital. Ce qui ajoute plusieurs paliers à la vente. »

Détentrice de toutes les autorisations nécessaires, son entreprise a d’ailleurs dû vendre avec succès son équipement à 175 hôpitaux de partout dans le monde avant de persuader un premier établissement médical québécois d’acquérir cet équipement valant près de 500 000 dollars. D’autres se seraient peut-être découragés. Sauf que l’entrepreneur dispose d’une arme secrète, une force de caractère et intellectuelle forgée durant ses difficiles études en génie électrique. « Je compare ces études à l’intensité d’un entraînement militaire, confie l’ingénieur. Les concepts sont très théoriques, et cela développe la discipline et le muscle intellectuel pur. »

Après quelques années de succès, les cofondateurs vendent Resonant Medical à un groupe suédois, qui devient Elekta Canada. L’ingénieur met alors son talent et ses connaissances au service d’autres entreprises comme Telus ou Telesystem pour créer des modèles de technologies novateurs dans le domaine de la santé numérique. Ce travail est exaltant pour un professionnel qui carbure à la passion, mais suscite aussi son lot de frustrations. « L’archaïsme du système de santé s’avère souvent décourageant, reconnaît l’innovateur en chef. Contrairement au reste du marché, les innovations technologiques s’y déploient trop lentement, même si elles étaient extrêmement utiles. »

Le génie au service des organisations

C’est en grande partie pour vaincre ces défis et parce qu’il souhaite améliorer la société que l’entrepreneur amorce un nouveau chapitre en 2012, en fondant une organisation sans but lucratif, Hacking Health. Il s’agit de susciter la créativité de citoyennes et citoyens, de professionnelles et professionnels, de communautés capables de faire bouger technologiquement les choses. Un réseau de personnes influentes actives dans une soixantaine de villes à travers le monde porte cette organisation. Un système de messagerie facilitant le référencement entre professionnelles et professionnels de la santé en Alberta, une application québécoise pour obtenir des diagnostics plus précis en orthophonie, et bien d’autres solutions novatrices émerge de ces rencontres.

Cette capacité à faire collaborer des gens évoluant dans des univers très différents, Luc Sirois la compare à l’exercice de l’ingénierie. « Au fond, on peut mettre sur pied des organisations humaines qui sauront déployer les talents de chacun et de chacune, un peu de la même façon qu’on crée une nouvelle technologie, déclare avec enthousiasme l’innovateur en chef du Québec. C’est fou ce que les gens peuvent accomplir en travaillant ensemble. »

C’est justement dans le but de s’impliquer dans la société québécoise que Luc Sirois a accepté les postes de conseiller stratégique à l’innovation auprès du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, puis d’innovateur en chef du Québec, qu’il occupe depuis 2020. Son rôle, et celui du Conseil de l’innovation qu’il a créé avec le ministère, est de développer l’innovation au sein des entreprises et de la société québécoise, dans une province qui dispose d’une grande force de frappe en recherche publique. Avec son équipe, Luc Sirois a d’ailleurs permis de fonder Axelys, une nouvelle société de valorisation pour dénicher et commercialiser les découvertes. Il peut s’appuyer sur une nouvelle stratégie gouvernementale en innovation dotée d’un budget de 7,5 milliards de dollars, une stratégie qu’il a largement contribué à dessiner à partir d’une consultation de centaines d’entreprises et d’organismes de l’écosystème.

Luc Sirois et son équipe ont mis en œuvre, avec des partenaires dans toutes les régions, un réseau de conseillères et conseillers en innovation. Ce réseau permet de rapprocher les entreprises des chercheurs et chercheuses et de les aider à trouver du financement.

Ce grand intérêt pour les inventions n’empêche pas l’innovateur en chef de garder la tête froide devant la révolution que constitue l’intelligence artificielle. La preuve, le groupe d’une quinzaine d’expertes et experts – dont la présidente de l’Ordre – qu’il a mis en place pour orchestrer une réflexion collective sur les enjeux et l’encadrement de l’IA. Le but est d’assurer le développement et l’utilisation responsable en société de cet outil, et de déterminer comment se préparer à son implantation. Une fois encore, Luc Sirois met l’être humain au centre de ses préoccupations en contribuant à susciter la créativité et l’engagement des gens et des organisations qui l’entourent.

 

Luc Sirois, ing., répond à la question :

De quelle façon vous impliquez-vous auprès des jeunes, et quelle importance a pour vous cette activité?

 

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