Le service de la surveillance de la pratique illégale : qu’est-ce que ça mange en hiver ?
Cet article s’inscrit dans la collection « PRATIQUE EXEMPLAIRE » Législation et jurisprudence.
Par Marie-Julie Gravel, ing., conseillère à la surveillance de la pratique illégale et Me Patrick Marcoux.
Ces outils sont au nombre de six, à savoir : le processus d’admission la formation continue obligatoire l’assurance responsabilité professionnelle l’inspection professionnelle la discipline la surveillance de la pratique illégale
On remarque que ces outils de protection du public visent les futures et futurs membres (admission et discipline) ou les membres, sauf la surveillance de la pratique illégale. En effet, cette surveillance est dirigée vers des personnes qui, sans être membres de l’Ordre, soit exercent une activité réservée à l’ingénieur, soit usurpent le titre réservé.
Par ailleurs, le rôle du Service de la surveillance de la pratique illégale (SSPI) ne se limite pas à réprimer les infractions aux lois qui encadrent la profession d’ingénieur, soit la Loi sur les ingénieurs et le Code des professions. En fait, le SSPI déploie des efforts considérables en organisant des activités de sensibilisation et de prévention, et en faisant des vérifications de chantiers.
Sensibilisation et prévention
Au chapitre de la sensibilisation et de la prévention, le SSPI offre des formations portant sur la Loi sur les ingénieurs et le champ de pratique réservé. Ces formations sont offertes sans frais aux municipalités et aux MRC ; elles sont aussi données gratuitement en entreprise. Il suffit d’en faire la demande. Les formations permettent aux participantes et participants de mieux comprendre ce qu’est la pratique de l’ingénierie, de connaître quelles sont les activités réservées aux ingénieures et ingénieurs, et d’apprendre à reconnaître la pratique illégale et l’usurpation de titre. À titre indicatif, le SSPI a rencontré des représentantes et représentants de 135 municipalités au cours de l’exercice 2023-2024.
Le SSPI participe en outre à des congrès et à des expositions organisés par divers organismes ou regroupements de professionnelles et de professionnels de l’ingénierie.
En dernier lieu, la prévention se traduit égale- ment par la prise de contact avec des personnes qui semblent se trouver en infraction (par exemple en utilisant un titre comme « ingénieur financier »), pour les amener à modifier leur comportement. Ces échanges connaissent habituellement une issue favorable, ce qui met un terme à l’intervention du SSPI sans mener à des accusations.
Vérifications de chantiers
La Loi sur les ingénieurs prévoit un mécanisme de vérification qui permet à des vérificatrices ou à des vérificateurs de pénétrer dans tout lieu où se trouve un ouvrage d’ingénierie ou un ouvrage qui est en cours de réalisation ou qui sera réalisé, pour vérifier la conformité avec la Loi sur les ingénieurs. Cette vérification ne porte pas sur la qualité ou l’exactitude des plans et des devis d’ingénierie. Il s’agit plutôt de vérifier si des plans et devis dûment signés et scellés par une ingénieure ou un ingénieur ont été, sont ou seront utilisés aux fins de la réalisation de l’ouvrage.
Au cours de l’exercice 2023-2024, l’Ordre a procédé à 450 vérifications au sens de la Loi sur les ingénieurs.
Pratique illégale et usurpation de titre
La Loi sur les ingénieurs et le Code des pro- fessions définissent plusieurs infractions pour recouper un grand nombre de situations factuelles qui constituent des infractions. Mentionnons en exemple :
- utiliser le titre réservé, sans être membre de l’Ordre ;
- utiliser un titre ou une abréviation qui peut laisser croire que l’on est membre de l’Ordre ;
- exercer une activité réservée aux membres de l’Ordre sans être membre de cet ordre professionnel ;
- s’afficher comme ingénieure ou ingénieur ou se laisser annoncer comme tel, sans être membre de l’Ordre.
Ces situations peuvent mener au dépôt de chefs d’accusation devant la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec. Advenant une déclaration de culpabilité, la Cour imposera une amende d’au moins 2500 $, et d’au plus 62 500 $ dans le cas d’une personne physique, et de 5000 $ à 125 000 $ dans les autres cas. En cas de récidive, ces amendes sont portées au double.
Comment un dossier se retrouve-t-il devant les tribunaux ?
Le SSPI fonctionne sur la base de signalements reçus de plusieurs sources : public, site Web de l’Ordre, courriel à [email protected], municipalités, Bureau du syndic, etc.
Dès sa réception, le signalement est étudié pour déterminer s’il révèle une situation qui puisse constituer une infraction. Dans l’affirmative, des vérifications sont faites pour constituer un dossier. Par exemple, en matière d’usurpation de titre, des recherches seront menées sur les réseaux sociaux tels LinkedIn et Facebook, ainsi que sur le site Internet de l’employeur pour confirmer l’usurpation du titre.
Lorsque le signalement et les vérifications d’usage permettent de croire à la commission d’une infraction, le dossier est remis à une enquêtrice ou à un enquêteur de l’Ordre, qui rencontrera alors toutes les personnes pertinentes afin de recueillir les éléments de preuve et d’obtenir des versions des faits. La personne visée par le signalement et par l’enquête sera aussi rencontrée pour avoir la possibilité de s’expliquer. Cette personne n’est pas tenue de dire quoi que ce soit à l’enquêtrice ou à l’enquêteur car, s’agissant d’une démarche pouvant mener à une poursuite pénale, les protections constitutionnelles s’appliquent, notamment le droit au silence.
Au terme de l’enquête, un rapport sera préparé et analysé par le chef du SSPI. De concert avec l’enquêtrice ou l’enquêteur, le chef du SSPI peut alors décider d’acheminer le dossier à la Direction du secrétariat et des affaires juridiques. Dans ce cas, une procureure ou un procureur sera assigné et procédera à l’étude du rapport d’enquête et des preuves recueillies. C’est la procureure ou le procureur qui identifie les infractions relevées et supportées par la preuve, puis qui rédige les chefs d’infractions pertinents.
Une fois les chefs d’infractions rédigés, le dossier est présenté au Comité exécutif de l’Ordre, qui décidera si l’Ordre intente une poursuite pénale. Avec une telle autorisation, l’enquêtrice ou l’enquêteur ira rencontrer une juge ou un juge pour faire autoriser la production des constats d’infraction et ouvrir le dossier à la Cour.
Rappelons que l’Ordre, en tant que poursuivant, doit apporter la preuve hors de tout doute raisonnable de la commission de l’infraction. Si le poursuivant s’acquitte de son fardeau de preuve, il reviendra à la personne accusée d’apporter la preuve d’une exception, d’une exemption, d’une excuse ou d’une justification qui puisse constituer une défense.
Sur le terrain
135 municipalités rencontrées
450 vérifications de chantiers
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