Améliorer la profession en la surveillant

Le Programme de surveillance de l’exercice de la profession s’étend maintenant sur trois ans pour mieux refléter la réalité du terrain. 

Cet article s’inscrit dans la collection « PRATIQUE EXEMPLAIRE ». Encadrement professionnel

Par Pascale Guéricolas, journaliste.


 

Si tous les ordres professionnels disposent d’un programme de surveillance de l’exercice de la profession, celui de l’Ordre se distingue par les moyens investis pour réaliser cet exercice. Les inspectrices et inspecteurs de l’Ordre assurent la surveillance de l’exercice de la profession d’ingénieur en favorisant le développement d’une pratique professionnelle axée sur l’excellence et l’amélioration continue des compétences, tout en réduisant les risques liés à la pratique du génie. Ainsi, pas moins de 24 personnes veillent à ce que la communauté des ingénieures et des ingénieurs respecte les lois et règlements, ainsi que les normes qui régissent la profession.

 

Désormais, cette équipe disposera du temps nécessaire pour saisir l’évolution des domaines à risque. Ainsi, puisque le plan de surveillance ne se limitera plus à un an, les résultats des visites d’inspection professionnelles seront consignés à plus long terme en fonction des secteurs touchés. « En disposant d’une période de planification de trois ans, nous pourrons collecter et analyser davantage de données dans des secteurs en pleine évolution, comme l’intelligence artificielle ou la cybersécurité, indique l’ingénieur Frédéric Prétot, directeur de la surveillance et de l’inspection professionnelle. Nous sommes persuadés que ces secteurs influeront sur certains domaines du génie. Nous allons également évaluer les risques. Et rien ne nous empêche d’apporter des ajustements au besoin, par exemple si le nombre de signalements venait à augmenter dans un domaine spécifique. »

 

La collaboration avec les parties prenantes sera plus complète en étalant sur trois ans les rencontres de travail. Ainsi, on se donne les moyens de mieux comprendre les défis dans certains domaines de pratique à risque et de recueillir plus de renseignements sur ces domaines.

 

Autre nouveauté, l’application des principes de développement durable dans la pratique du génie fera l’objet d’une attention particulière des inspectrices et des inspecteurs. « Pendant les visites d’inspection, nous mettons particulièrement l’accent sur les projets des membres de l’Ordre qui intègrent les principes de développement durable, tels que l’économie circulaire, ou d’autres initiatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à diminuer l’utilisation de matières premières », précise Frédéric Prétot. Une façon pour l’Ordre de s’assurer de l’amélioration constante d’une profession axée sur l’excellence.

 

La planification avant tout

La visite d’inspection professionnelle, qui dure environ trois heures et qui concerne environ 4,5 % des membres chaque année, se fait de façon très collaborative. Depuis 2020, 97 % des membres ayant fait l’objet d’une inspection considèrent que ce processus les a aidés dans leur pratique professionnelle.

 

Conscients cependant que cet exercice obligatoire peut générer un certain stress, les inspectrices et les inspecteurs préparent soigneusement leur visite par un contact téléphonique préalable. « À ce stade, il faut s’assurer d’un bon jumelage entre la personne chargée de l’inspection et celle qui est inspectée, souligne Frédéric Prétot. Nous voulons que les membres puissent tirer parti de l’expérience et de l’expertise de l’inspectrice ou de l’inspecteur qui évaluera leur compétence. »

 

Choisis pour leurs compétences professionnelles et aussi pour leurs qualités interpersonnelles, les inspectrices et les inspecteurs connaissent bien les contraintes et les défis liés à l’exercice de la profession des membres. Cette proximité de pratique favorise un véritable dialogue au cours de la visite d’inspection, basée sur l’échange et l’écoute. Le climat qui s’installe durant l’inspection est particulièrement précieux pour les ingénieures et ingénieurs travaillant dans de petites et moyennes entreprises, qui se retrouvent parfois isolés dans leur milieu de travail.

 

Un rapport d’inspection est produit à la suite de la rencontre. Le rapport contient des références aux outils accessibles sur le site de l’Ordre, comme le Guide de pratique professionnelle, et des suggestions de formations virtuelles sont offertes sur la plateforme de l’Ordre ; il constitue pour les membres une mine d’informations personnalisées pour améliorer leur pratique.

 

Qui est inspecté ?

Au fil des ans, l’équipe responsable du Programme de surveillance a mis au point une méthodologie d’analyse de profils et de la pratique professionnelle des membres. En fonction de critères tels que le domaine de pratique et le nombre d’années d’inscription au tableau, on optera pour une visite d’inspection ou pour l’envoi d’un questionnaire d’autoévaluation.

 

« Ces deux méthodes nous permettent de maintenir une présence soutenue auprès de nos membres, soit environ 10 % de l’ensemble de la communauté chaque année », résume le directeur de la surveillance et de l’inspection professionnelle. L’inspection professionnelle cible principalement les personnes qui travaillent dans des domaines à risque (voir l’encadré), mais aussi celles qui se sont jointes à la profession récemment. Cela concerne également les personnes réintégrant la profession après une absence prolongée, le but étant de vérifier notamment la progression de leur développement professionnel. En plus de protéger le public, le Programme de surveillance de l’exercice de la profession devient ainsi un outil essentiel pour améliorer la profession.

 

15 domaines à risque

Les inspections ciblent à 80 % des membres qui pratiquent dans des domaines à risque. Cela concerne le domaine du bâtiment, mais aussi le génie municipal et les procédés industriels.

Ce sont des secteurs qui, au fil du temps, sont sujets à des signalements et qui peuvent entraîner une augmentation des réclamations en assurance responsabilité professionnelle.

Cette liste reste relativement stable d’année en année, bien que certains secteurs puissent évoluer en fonction de l’activité économique ou de changements réglementaires.

  1. Charpentes et fondations
  2. Ouvrages temporaires
  3. Ponts et structures de transport
  4. Géotechnique
  5. Génie municipal
  6. Assainissement autonome des eaux usées
  7. Évaluation environnementale et réhabilitation de site
  8. Protection incendie
  9. Mécanique du bâtiment
  10. Électricité du bâtiment
  11. Électricité industrielle
  12. Automatisation des machines et des procédés
  13. Équipements et machines, industriels et de transport
  14. Procédés industriels
  15. Équipements de levage

 

Un comité d’inspection professionnelle tourné vers l’accompagnement

Forte de ses 25 ans de pratique chez Hatch, en particulier dans le domaine des charpentes et des fondations, l’ingénieure Nathalie Gauthier se passionne pour la valorisation de la profession. Elle estime que préserver la réputation de la profession est essentiel, et voilà pourquoi elle fait partie depuis 2018 du Comité d’inspection professionnelle (CIP) de l’Ordre. Depuis 2022, Nathalie Gauthier préside ce comité qui surveille l’exercice de la profession par les membres.

« À la lumière des rapports d’inspection professionnelle, nous recommandons aux instances de l’Ordre des mesures de perfectionnement, comme des formations, des cours, des lectures pour les membres qui présentent des lacunes de compétences, explique-t-elle. Il s’agit d’accompagner des consœurs et des confrères dans le développement de leurs compétences professionnelles. »

La présidente du CIP constate que le nombre de domaines à risque a considérablement augmenté depuis deux décennies, en raison de la vitesse accélérée des méthodes de construction. De plus en plus d’ouvrages temporaires s’ajoutent, comme des échafaudages et de fausses charpentes, ce qui nécessite davantage de points de contrôle.

Le nombre d’équipements de levage s’est aussi multiplié sur les chantiers, toujours pour construire plus vite, et cela augmente aussi les risques dans ce secteur.

À l’avenir, les 15 membres du CIP, qui exercent pour la plupart en pratique privée, souhaitent s’assurer que l’inspection des membres continue de se faire dans le respect et la collaboration. Veiller à ce que la communauté du génie dispose de l’encadrement nécessaire afin de maintenir ses compétences contribue à garantir la sécurité du public.

 

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