, 1 March 2022

Des réseaux de transport écologiques et inclusifs

La prise en compte des comportements genrés permet une meilleure inclusion dans les transports en commun et soutient une démarche écologique au sein des réseaux.

Par Clémence Cireau


Afin de recueillir des renseignements sur les comportements de mobilité dans les transports en commun, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et Infrastructure Canada ont conjointement lancé un appel à projets. Geneviève Boisjoly, ing., professeure adjointe au Département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal, a fait partie de l’une des équipes ayant répondu à l’appel. Leur angle de recherche? Les déplacements des femmes dans les transports en commun. « Il existe plusieurs études qui définissent les questions de sécurité dans les transports en commun, mais peu s’attardent sur les patrons de déplacements selon les genres, indique-t-elle. Les comportements des femmes ne dépendent pas uniquement d’une appréciation de leur sécurité.»

L’équipe de Geneviève Boisjoly a décidé de lier trois approches : une revue de la littérature scientifique, une analyse des orientations stratégiques en matière de transport et un webinaire tenu avec des expertes du transport en commun au Canada et aux États-Unis.
«Nous en avons ainsi beaucoup appris sur les comportements des femmes, sur la manière dont elles sont considérées dans la planification des transports et sur la perception des femmes du milieu.» Résultats? Les rôles de genre influencent le comportement dans les transports. «Cela peut paraître une évidence, mais ça n’a pas la même force de le démontrer scientifiquement», précise la chercheuse.

Les femmes se déplacent en plus grande proportion sur des trajets localisés, dans leur quartier, et elles ont tendance à enchaîner plusieurs déplacements. «Nous expliquons cela notamment par leur plus grande proportion à être responsables de tâches liées à la gestion du foyer, dit Geneviève Boisjoly. Ainsi, plusieurs de leur déplacements visent à accompagner des enfants ou des proches à l’école ou à des rendez-vous ainsi qu’à réaliser des achats pour leur ménage. Elles choisissent souvent aussi un emploi proche de chez elles afin de pouvoir le coupler au reste de leur quotidien.» Comparativement aux hommes, elles se déplacent également moins aux
heures de pointe.

Un réseau de transport écologique et inclusif

Les conclusions de l’étude révèlent la contradiction des politiques publiques de transport. Alors que les

femmes sont les plus  importantes utilisatrices des transports, le réseau n’est pas adapté à leurs besoins. «Afin d’optimiser la rentabilité, tout est misé sur les
déplacements vers le centre-ville, aux heures de pointe, mentionne la professeure. C’est peut-être une bonne stratégie économique, mais cela ne répond pas aux besoins d’une grande proportion des utilisatrices.» La chercheuse souligne que l’examen des  déplacements genrés permet également d’observer une frange de la opulation dont on tient peu compte dans les réseaux
de transport. «Les patrons de déplacements que l’on trouve en majorité chez les femmes sont aussi ceux des personnes à faibles revenus. En effet, ces personnes commencent souvent à travailler très tôt le matin ou très tard le soir et enchaînent souvent, elles aussi, les transports. Si l’on adaptait les transports à ces types de déplacements, les réseaux seraient nettement plus inclusifs.» Plus inclusifs et aussi plus écologiques. «Un réseau qui dessert majoritairement un seul type de comportement, vers le centre-ville, n’est pas très résilient. Et cela s’est particulièrement vérifié avec la crise sanitaire.» Depuis le premier confinement, les usagers ont radicalement réduit et décentralisé leurs déplacements. «Un réseau durable répondant aux besoins divers des usagers peut s’adapter plus rapidement et suivre les changements de déplacements, et ainsi permettre aux gens de continuer à utiliser le transport en commun, plutôt que de se replier sur la voiture.»

Des pistes pour une réelle équité

Geneviève Boisjoly propose trois pistes de solutions pour garantir l’équité dans les transports en commun. «Tout d’abord, il faut mettre en place une représentation féminine plus importante à tous les niveaux organisationnels des transports en commun, autant dans les postes décisionnels que dans les opérations.» Cela donnera plus de visibilité aux besoins des femmes en matière de déplacement. Dans un deuxième temps, afin que cette étude ouvre la voie à d’autres et que les services de transport puissent s’adapter, il faut systématiser la collecte des informations sociodémographiques des utilisateurs et utilisatrices. «Si les agences n’ont pas accès à ces informations, les changements seront plus lents et plus complexes.» Enfin, les normes de services des agents doivent explicitement nommer le genre.
«Lorsqu’une perspective est explicitée, elle a beaucoup plus de chance d’être respectée et de produire des changements de manière pérenne.»

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