, 1 March 2022

Des cohortes étudiantes plus diverses

Pour les établissements offrant une formation en génie, la diversité étudiante fait bel et bien partie des outils de recrutement et d’accompagnement dès le premier cycle. Elle se décline sous les formes les plus variées en matière de formation pédagogique. Petit tour d’horizon de quelques initiatives pour former une relève en génie à l’image de la composition de la société.


Cet article s’inscrit dans la collection « Diversité du génie ».

Par Pascale Guéricolas


« Nous avons besoin de modèles féminins pour montrer aux jeunes femmes que leur place est ici. C’est important qu’elles puissent se reconnaître dans les professeures.» — Nathalie Roy, ing. — Université de Sherbrooke

Cela fait déjà plusieurs années que l’intérêt pour la diversité grandit au sein des établissements d’enseignement au Québec. La Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke, par exemple, redouble d’efforts pour que chacun et chacune, au sein des cohortes étudiantes, dispose du soutien approprié pour se sentir intégré et accompagné dans ses apprentissages. Une personne vient d’ailleurs d’être embauchée pour veiller à l’ensemble des mesures adaptatives des huit programmes de génie. La direction mise aussi sur la féminisation du corps professoral. Il y a seulement 5 ans, les professeures ne formaient que 6 % des effectifs en génie. Cette année, elles représentent 14,5 % du personnel enseignant de cette faculté et elles pourraient compter pour 30 % en 2030.

Au fait, pourquoi insister sur une forte représentation féminine parmi le corps professoral? «Nous avons besoin de modèles féminins pour montrer aux jeunes femmes que leur place est ici, répond Nathalie Roy, ing., vice-doyenne ÉDI [équité, diversité, inclusion] et  amélioration continue des programmes de la Faculté de génie. C’est important qu’elles puissent se reconnaître dans les professeures.» Pour parvenir à ses fins, la Faculté de génie applique plusieurs méthodes d’embauche en vogue dans les entreprises. Les femmes doivent
désormais représenter un tiers des candidatures pour chacun des postes à pourvoir. Quant aux comités d’embauche, leurs membres doivent suivre une formation sur les biais inconscients.

Pour attirer davantage de filles, qui forment environ 18 % des cohortes au baccalauréat actuellement, les campagnes de recrutement misent maintenant sur des slogans et des images plus susceptibles d’intéresser aussi un auditoire féminin. «En nous inspirant des recherches
menées par Eve Langelier, qui dirige la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec, nous avons pris conscience que les filles recherchent souvent un métier qui a un impact sur la société, et où elles pourront exprimer leur créativité, ce qui correspond justement à  la définition du génie», fait valoir Antoine Giguère, directeur des affaires étudiantes.

Accueil personnalisé à Polytechnique

Des cohortes encore plus féminines, cela fait justement partie des chevaux de bataille de Sophie Larivée, directrice du recrutement à Polytechnique Montréal. Même si les filles composent déjà 30 % des effectifs contre 25 % il y a 10 ans, la direction de cette université d’ingénierie ne s’arrête pas en si bon chemin. Elle mise notamment sur l’action de groupes d’étudiantes pour aller sensibiliser les élèves dès le secondaire au rôle technique qu’elles peuvent jouer dans la société. L’organisme Folie Technique, créé en 1991, œuvre aussi en ce sens.

Université mono-facultaire, Polytechnique séduit également de jeunes ingénieurs et ingénieures en devenir un peu partout sur la planète. Près de 30 % des personnes inscrites dans ses programmes viennent d’ailleurs de l’étranger. «Nous occupons une place importante sur les marchés internationaux, explique Sophie Larivée, surtout dans les pays francophones en Europe, au Maghreb, en Afrique de l’Ouest, et aussi  sans les pays hispanophones d’Amérique du Sud. Notre force, c’est l’accompagnement individualisé des personnes qui font acte de candidature, depuis le traitement de leur dossier jusqu’à leur admission, leur arrivée au Québec et leur intégration.»

Ce service personnalisé caractérise le secteur «Soutien à la réussite», qui accompagne les étudiants dans leurs études. Là comme ailleurs, on met en œuvre de multiples façons d’aider les étudiants et étudiantes ayant des besoins particuliers, qu’il s’agisse de personnes aux prises avec un trouble du déficit de l’attention,
avec ou sans hyperactivité (TDAH), un trouble de l’anxiété, une difficulté motrice ou une déficience visuelle. «Notre approche consiste à accueillir les gens tels qu’ils sont, sans les caser dans telle ou telle catégorie, avance Caroline Jodoin, responsable du secteur «Soutien à la réussite, aide financière et étudiants  internationaux» à Polytechnique Montréal. Nous évaluons rapidement leur situation, avant de leur proposer des mesures. Ces dernières peuvent d’ailleurs servir à plusieurs types d’étudiantes ou d’étudiants.»

«Nous avons pris conscience que les filles recherchent souvent un métier qui a un impact sur la société, et où elles pourront exprimer leur créativité, ce qui correspond justement à la définition du génie.» — Antoine Giguère — Université de Sherbrooke

En plus des traditionnels aménagements d’horaires d’examens selon les besoins particuliers des élèves, le service aux étudiants propose également à certaines personnes un baladeur numérique pour écouter de la musique relaxante; on peut aussi mettre des étudiants ou étudiantes en contact avec une personne qui prendra des notes pendant les cours, les conseiller sur la manière d’aborder des problèmes de santé mentale avec les membres d’une équipe étudiante ou encore autoriser la présence d’un animal accompagnateur pour du soutien
émotionnel. «Nous accueillons actuellement plus de 500 étudiants et étudiantes en situation de handicap nécessitant des mesures d’aide, sur une population étudiante de 9 600 personnes, précise la responsable du soutien à la réussite. Il y a 10 ans, il s’agissait de seulement 50  personnes. Cependant, le type de handicap a changé, car pour 85% des personnes concernées il s’agit de handicaps invisibles, comme le TDAH ou le spectre de l’autisme, et non de handicaps visibles dits “traditionnels”, comme une déficience auditive ou une mobilité
réduite.»

La Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke ainsi que Polytechnique Montréal et bien d’autres établissements d’enseignement supérieur dans le domaine entendent bien déployer encore plus d’efforts pour refléter davantage la diversité de la société québécoise. Le directeur des affaires étudiantes de la Faculté de génie caresse, par exemple, le projet de faciliter la candidature de personnes étudiantes des Premières Nations, en adoptant une politique favorisant leur admission dans les programmes de génie. À Polytechnique Montréal, on songe à offrir bientôt une salle d’allaitement pour les mères étudiantes, et des toilettes non genrées au design universel : autant d’aménagements et d’accompagnement pour que les études en génie deviennent plus inclusives.


Folie technique donne le goût du génie aux filles

Depuis 1991, l’organisme Folie Technique, épaulé par des étudiantes de Polytechnique Montréal, s’emploie à démythifier le génie pour les filles. «Bien souvent, les élèves du primaire et du secondaire voient encore cette profession comme un domaine masculin, constate Leslie Duong, ing., qui s’implique dans l’organisme depuis 2014. Notre rôle, c’est de leur donner confiance en elles, de briser les barrières.» Chaque année, hors pandémie, près de 20000 jeunes ont ainsi accès à des centaines d’ateliers donnés dans des écoles ou dans des camps d’été. Là, des équipes féminines collaborent notamment à la conception de boîtiers intelligents afin que ces jeunes exécutent certaines taches simples, par exemple construire des voitures téléguidées ou de petites fusées.

Des camps de génie

«Entre filles, elles ont moins peur de donner leurs idées, moins peur du jugement des autres,», remarque Leslie Duong, très active dans l’organisation des camps d’été. Cette diplômée en génie biomédical, aujourd’hui employée au CISSS des Laurentides, souhaite que les filles d’aujourd’hui disposent des mêmes possibilités dont elle-même a bénéficié au secondaire. «Cette année, nous avons choisi de cibler des écoles défavorisées où les élèves n’ont pas forcément accès à des activités parascolaires en génie ou en sciences, explique cette passionnée. Avec Folie Technique, cet univers devient plus accessible.» Tous les étés, les 7 à 17 ans ont accès pendant 7 semaines à un camp d’été, installé à Polytechnique Montréal. Les jeunes choisissent entre des activités orientées vers le génie civil, le génie informatique, le génie chimique, le génie électrique, entre autres. Certains groupes sont composés à 100 % de filles pour les encourager à se lancer dans l’aventure scientifique. L’été prochain, des jeunes filles issues de milieux défavorisés pourront séjourner au camp gratuitement pendant une semaine, leur déplacement et leurs repas étant également pris en charge. Financées par la collecte de fonds réalisée pendant la Semaine de la rose blanche, lancée à l’occasion du
25e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, ces bourses permettent donc aux jeunes filles de plonger dans le monde des sciences et du génie.

Leslie Duong, ing.


 

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