, 13 octobre 2022

Lekha Sejpal, ing. : la reine de l’adaptation

Lekha-Sejpa
Née en Birmanie, l’ingénieure en génie électrique Lekha Sejpal se sent dans son élément au Québec.

Cet article s’inscrit dans la collection « Professionnel formé à l’étranger ».

Par Pascale Guéricolas, photos : Luis Medina et Didier Bicep


Lekha Sejpal se souvient encore de l’agréable surprise qui l’attendait en arrivant pour la première fois à Montréal en 2010. La jeune femme pensait vivre dans une ville où les passants, pressés par leurs propres occupations, l’ignoreraient. « Au contraire, les gens se sont montrés aimables, aidants, et m’ont accueillie avec beaucoup de chaleur », témoigne la jeune ingénieure en application électrique.

Il faut dire que cette Birmane d’origine dispose d’une capacité d’adaptation hors du commun. D’abord scolarisée à Yangon, la capitale du pays, elle se retrouve à 16 ans en Inde, à Hyderabad, la sixième ville en importance, hébergée par son oncle et sa tante. Le but : poursuivre ses études dans un collège indien performant où les journées s’étirent tard en soirée, sans compter les examens qui ont lieu chaque semaine. Une véritable course à obstacles pour les nombreux élèves qui espèrent décrocher une place à l’université.

Courageuse et volontaire, Lekha Sejpal se fraie un chemin dans ce milieu compétitif et réussit à s’inscrire dans le programme de premier cycle de son choix, soit en génie électrique et électronique. Sa motivation est nourrie par le grand intérêt qu’elle a toujours porté aux inventions qui facilitent la vie quotidienne. Sans oublier qu’au collège, les compétitions en équipe pour résoudre des problèmes et bâtir des projets, comme des batteries aptes à faire fonctionner de petits véhicules électriques, ont éveillé sa curiosité. « J’adore affronter des défis avec d’autres personnes, confie-t-elle. Selon moi, une personne qui agit seule nuit à sa productivité, tant dans sa carrière professionnelle que dans sa vie personnelle. »

Lekha-Sejpal

J’adore affronter des défis avec d’autres personnes. Selon moi, une personne qui agit seule nuit à sa productivité, tant dans sa carrière professionnelle que dans sa vie personnelle.

Lekha Sejpal, ing. — ABB

En route pour le Québec

À la fin de son baccalauréat, la nouvelle diplômée éprouve l’envie de déployer ses ailes dans un pays où la vie serait plus facile. Le caractère multiculturel de Montréal l’attire, et la voilà donc inscrite en maîtrise appliquée en génie électrique et informatique à l’Université Concordia. C’est là qu’elle commence à travailler sur un onduleur de traction multiniveaux pour des systèmes de transmission électrique adaptés aux automobiles.

Sa scolarité approche de son terme lorsque la jeune étudiante rencontre plusieurs entreprises, à un salon de l’emploi organisé par l’Université. Son deuxième entretien avec ABB, firme spécialisée en électrification, automatisation et robotique, se déroule le 21 décembre 2021. « L’entrevue avec le directeur général n’a pris qu’une quinzaine de minutes, indique Lekha Sejpal. Je n’ai même pas eu le temps de rentrer chez moi que déjà j’apprenais que j’avais le poste! »

Au début de son mandat, la jeune femme travaille sur un système qui stocke l’énergie d’un train et recycle le surplus pour l’utiliser lors de l’accélération, une technologie qu’ABB vendra à la Ville de Philadelphie. Un peu plus tard, elle collabore avec l’équipe d’ingénierie chargée d’adapter des outils à des convertisseurs à bord des trains pour des clients américains, afin de passer de la batterie à l’énergie triphasée. Puis, Lekha Sejpal se penche sur les façons de transformer du courant continu produit avec l’énergie de la pile à combustible (fuel cell energy) en courant alternatif sur le réseau.

Au plus près des barrages

Après avoir travaillé sur des chargeurs qui accélèrent l’alimentation des véhicules électriques, l’ingénieure se spécialise depuis 2019 dans le design des systèmes d’excitation électrique installés dans les barrages. Le système d’excitation fournit un courant continu à l’enroulement du rotor d’un générateur. Grâce au magnétisme, le mouvement du rotor à proximité du stator induit un courant alternatif dans les enroulements de ce dernier. Le courant alternatif alimente par la suite le réseau électrique. Le travail de Lekha Sejpal consiste à s’assurer que les équipements correspondent aux normes en vigueur et aux contraintes de chaque projet. « C’est vraiment un travail d’équipe, et j’adore les interactions avec mes collègues, lance-t-elle avec enthousiasme. Je trouve important d’être transparente et de ne pas hésiter à soulever certaines questions pour éviter les incompréhensions potentielles. »

Montréalaise depuis maintenant 12 ans, la jeune femme apprécie le mode d’organisation au Québec et la vie qu’on y mène. Hormis peut-être les hivers un peu difficiles ! Bien implantée ici, elle s’implique avec l’organisme Jumpstart Refugee pour donner un coup de pouce aux réfugiés arrivant au Canada. À titre de mentore, elle les aide dans leur recherche d’emploi et les guide dans l’univers de l’entrepreneuriat. La jeune femme compte bien couler des jours heureux dans ce coin du monde, avec son mari, manager des projets d’ingénierie chez Pratt and Whitney, en accueillant régulièrement sa mère et son frère, qui possèdent une maison d’édition spécialisée en droit et en médecine en Birmanie.

 

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