, 17 décembre 2025

Pooneh Maghoul, ing. : Quand la Terre et la Lune se rencontrent

L'ingénieure Pooneh Maghoul poursuit sa trajectoire scientifique où s'entremêlent ingénierie lunaire, efficacité énergétique et sismologie.

Cet article s’inscrit dans la collection « VOIR GRAND ».

Annie Labrecque journaliste.


Portée par la curiosité, Pooneh Maghoul poursuit une trajectoire scientifique remarquable où s’entremêlent ingénierie lunaire, efficacité énergétique et sismologie. Ce parcours inspirant lui vaut d’être la lauréate 2025 du prix Honoris Genius — Recherche ou enseignement du génie.

 

Formée à l’Université de Téhéran puis à l’École des Ponts ParisTech, Pooneh Maghoul se spécialise en génie parasismique, un choix qui résonne avec son enfance en Iran, pays souvent secoué par les tremblements de terre.

Elle effectue ensuite un postdoctorat à l’Université Laval sur l’efficacité énergétique des bâtiments. Ses travaux portent notamment sur l’effet du sol et des cycles de gel et dégel sur les pertes de chaleur. Après avoir enseigné quelques années comme chargée de cours à Polytechnique Montréal et à l’École de technologie supérieure à Montréal, elle devient en 2015 professeure adjointe en parasismique à l’Université du Manitoba. Or, les séismes y sont très rares. Elle réoriente alors ses recherches vers le Nord, le pergélisol et les changements climatiques.

« J’ai ainsi appliqué mes connaissances en parasismique, en efficacité énergétique et sur les cycles de gel et dégel pour caractériser le pergélisol, en utilisant entre autres les ondes pour analyser les sols gelés », raconte l’ingénieure.

 

« À l’Université de Téhéran, la parité était clairement observable. J’excellais en mathématiques, en physique et en programmation. »

Pooneh Maghoul, ing., Professeure-Chercheuse, Polytechnique Montréal

 

 

 

De la Terre à la Lune

En 2019, la NASA annonce la relance des missions lunaires avec ce slogan : We are going to the Moon, to stay. Enfant, Pooneh rêvait de travailler à l’Agence spatiale américaine. « J’adorais tout ce qui touchait à l’espace », confie l’ingénieure.

À première vue, génie parasismique et aérospatiale paraissent aux antipodes, mais les défis sont similaires : comprendre la stabilité des sols, rechercher de l’eau et bâtir dans des conditions extrêmes. Sur la Lune, les « tremblements de Lune » peuvent durer jusqu’à dix minutes. Et, là-haut, impossible d’utiliser du béton comme sur Terre. Il faut construire avec les matériaux disponibles sur place, avec très peu d’eau. Voilà un défi taillé sur mesure pour l’expertise de Pooneh Maghoul sur les milieux extrêmes, cette fois appliqués à l’espace.

Elle est donc heureuse de contribuer aux futures constructions lunaires en collaboration avec des collègues de diverses agences spatiales. « Lorsque j’en parlais, au début du projet, certains souriaient, sceptiques. Mais c’est en ayant l’audace d’innover et en combinant différents savoirs que j’ai pu ouvrir un champ de recherche inédit. » Toutefois, avant de construire une base lunaire permanente, la NASA a fait de sa priorité la recherche d’eau, indispensable pour produire de l’oxygène et de l’hydrogène.

 

Fondations solides

Pooneh Maghoul se souvient qu’il était normal pour les femmes en Iran de programmer ou de devenir ingénieures. « À l’Université de Téhéran, la parité était clairement observable. J’excellais en mathématiques, en physique et en programmation », dit-elle.

Aujourd’hui professeure-chercheuse à Polytechnique Montréal, Pooneh Maghoul insiste sur la valeur des sciences fondamentales dans sa vie professionnelle. « Le monde évolue très vite avec l’intelligence artificielle et les technologies émergentes. Dans cinq ans, je travaillerai sans doute à des projets qui n’existent pas encore. Une formation en recherche fondamentale donne non seulement des outils, mais aussi la capacité d’explorer des terrains inconnus », souligne-t-elle avec conviction.

Au-delà des stéréotypes qu’elle doit affronter — femme, immigrante, ingénieure —, elle est surtout portée par la passion pour la recherche et pour la science. « Malgré les obstacles, tout est possible », assure-t-elle. En témoigne son parcours.

 

Le pergélisol sous la loupe

Experte de poromécanique multiéchelle, l’ingénieure étudie le comportement de matériaux poreux : sol, sable, argile, béton, bois… et même des os ! Chacun réagit différemment. « En les observant à l’échelle microscopique, on comprend mieux ce qui se passe dans les pores et pendant les différentes phases du matériau », explique-t-elle. Ces observations sont ensuite transposées à l’échelle macroscopique. C’est ce qu’on appelle la poromécanique multiéchelle.

Un exemple concret : un tremblement de terre ou simplement les vibrations d’une voiture, la pluie ou encore les cycles de gel et dégel modifient la chaussée. Le rôle de Pooneh Maghoul consiste à étudier ces phénomènes afin d’en dégager de meilleures pratiques de construction.

« En génie civil, on conçoit des structures adaptées aux contraintes climatiques. Dans le domaine biomédical, certains de mes projets portent sur la caractérisation des os pour mieux comprendre l’ostéoporose. En aérospatiale, je m’intéresse à des composites adaptés aux conditions extrêmes, comme celles de l’environnement lunaire », résume-t-elle. Ses activités de recherche en poromécanique multiéchelle sont donc transversales.

L’un des matériaux de prédilection de Pooneh Maghoul est le pergélisol, dont elle étudie les caractéristiques au moyen d’images satellitaires, de capteurs (température, humidité, déformation) et de carottes de sol analysées en laboratoire. Ensemble, ces données fournissent une vision qui permet de concevoir des infrastructures plus solides et d’anticiper les effets des changements climatiques sur le pergélisol.

 

 

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