9 décembre 2025

Renouer avec la productivité au Québec

Dans le cadre d’une captivante discussion, Sophie Larivière-Mantha, ing., présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec, a échangé avec Bicha Ngo, CFA, présidente-directrice générale d’Investissement Québec. Retour sur leurs réflexions concernant la productivité et l’innovation comme remèdes à l’incertitude économique.

Cet article s’inscrit dans la collection « VOIR GRAND ».
Par Emmanuelle Gril, journaliste.
Les réponses ont été éditées pour plus de concision et de fluidité.


Développement économique et innovation

Sophie Larivière-Mantha : Je suis très heureuse que vous ayez accepté mon invitation. J’ai eu l’occasion d’assister à l’une de vos conférences au cours de laquelle vous avez suggéré que le Québec pourrait s’inspirer du modèle allemand pour accroître sa productivité, en soulignant que 25 %˛ des diplômés universitaires en Allemagne sont ingénieurs. Cela a bien évidemment attiré mon attention. J’espérais avoir l’occasion de vous parler. L’innovation et la productivité sont des clés essentielles, tout particulièrement dans un contexte économique marqué par l’incertitude tarifaire et une concurrence internationale accrue. C’est pourquoi je voudrais vous entendre sur la façon dont Investissement Québec aide les entreprises à devenir plus innovantes, mais aussi sur le rôle que les membres de la profession d’ingénieur peuvent jouer dans ce contexte.

Bicha Ngo : Tout d’abord, merci de l’invitation. Le mandat d’Investissement Québec est axé sur le développement économique du Québec. Ainsi, notre objectif est de favoriser le développement des entreprises québécoises en misant sur l’innovation et la productivité, afin qu’elles puissent accéder aux marchés internationaux. Le Canada et le Québec sont en retard à cet égard. C’est pourquoi il est essentiel d’agir. À l’automne dernier, l’initiative grand V a été lancée afin d’accompagner les entreprises dans la réalisation de projets axés sur l’amélioration de leur productivité. Nous offrons un soutien comprenant à la fois du conseil stratégique et un soutien financier, afin de leur permettre d’accroître leur capacité d’innovation, de recherche et de développement.

Sophie : J’ai eu la chance de visiter les laboratoires d’Investissement Québec dans lesquels on recrée même de minichaînes de montage. Cela aide assurément les entreprises à réduire les risques que représente la portion technologique, avant qu’elles ne se lancent dans des investissements importants.

Ce qui m’amène à parler d’une étude réalisée par l’Ordre à propos de l’entrepreneuriat en génie. Notre enquête a révélé que l’on compte parmi nos membres environ trois fois plus d’entrepreneurs que dans la population en général. Les entrepreneurs en génie détiennent aussi quatre fois plus de brevets que les autres PME canadiennes. En d’autres mots, ingénieurs et solutions innovantes vont de pair.

Bicha Ngo : Les ingénieurs sont en eet présents dans toutes les sphères d’activité. Récemment, nous avons reçu une centaine de PDG du secteur des technologies et des sciences de la vie, et plus du tiers des entrepreneurs ont une formation en génie.

Autre exemple : les géants des technologies aux États-Unis — Alphabet, Meta, Microso, Amazon, Tesla, etc. — ont à leur tête 7 ingénieurs sur 10. Je suis convaincue que le génie permet de développer une grande rigueur de pensée et la capacité de gérer le risque, ce qui constitue une précieuse valeur ajoutée pour les entreprises.

 

« Je suis convaincue que le génie permet de développer une grande rigueur de pensée et la capacité de gérer le risque, ce qui constitue une précieuse valeur ajoutée pour les entreprises.

Bicha Ngo, CFA, présidente-directrice générale d’Investissement Québec.

 

 

 

OBSTACLES À L’INNOVATION

Sophie : Selon vous, quels sont les différents freins à l’innovation et à l’augmentation de la productivité actuellement?

Bicha Ngo : Ils résident dans une combinaison de facteurs. Le financement est un défi important et, à cet égard, Investissement Québec est très présent pour soutenir les projets d’innovation. On intervient dès le début du processus, mais le privé doit prendre le risque avec nous. Ce n’est pas toujours facile, surtout dans un contexte très incertain, alors que beaucoup d’entreprises sont un peu en mode survie et ont mis des projets sur pause. De notre côté, nous proposons de l’accompagnement technologique, nous expliquons la valeur ajoutée de l’investissement en innovation, tout en offrant une certaine flexibilité de financement afin que les entreprises puissent y participer.

 

Effectivement, c’est maintenant qu’il faut accélérer l’innovation et la productivité si nous voulons rester dans la course.

Sophie Larivière-Mantha, ing., MBA, ASC, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec.

 

Bicha Ngo : Il est clair que, dans l’environnement actuel, on doit se montrer plus agile que jamais. Cependant, les cinq dernières années ont été difficiles en raison de la pandémie, l’inflation, la hausse des taux d’intérêt, l’instauration de tarifs douaniers, les problèmes de main-d’œuvre, etc. De ce fait, plusieurs entrepreneurs auraient décidé que le moment était venu de vendre leur entreprise, d’après ce que nous disent nos partenaires financiers. Le contexte n’est donc pas favorable à l’investissement. C’est pourquoi nous sommes très actifs : nous parlons aux entrepreneurs et nous trouvons des moyens pour minimiser le risque. Inversement, on constate également sur le terrain que les entrepreneurs qui, pendant la pandémie, ont décidé d’investir en productivité, se retrouvent aujourd’hui dans une position plus favorable. Grâce à leur compétitivité accrue, ils sont moins fragilisés par les tarifs douaniers. Mais ils ont pu le faire parce qu’ils ont bénéficié du soutien de leurs actionnaires. C’est encore une fois la preuve que le risque se prend à deux.

Sophie : C’est la même chose lorsque l’ingénieur propose des solutions : son client doit y adhérer si on veut que ça fonctionne. Récemment, nous avons réalisé une étude intitulée le Baromètre de l’action climatique. Nous voulions savoir comment les membres de l’Ordre intégraient le développement durable et l’adaptation au changement climatique (page 26). dans leurs pratiques. On remarque que les freins dans ce domaine sont similaires à ceux évoqués en matière d’innovation. Ils sont financiers, mais aussi liés à la volonté des clients privés et publics. Le Baromètre a également révélé que nos membres sont motivés à suivre des formations afin d’accroître leurs compétences à développer des innovations et à s’adapter aux évolutions climatiques.

Bicha Ngo : En dépit du contexte difficile, je demeure malgré tout optimiste. Nos entrepreneurs et entreprises sont très résilients. Ils vont continuer à se battre et à travailler avec nous afin de trouver des moyens d’être encore plus compétitifs. Vous parliez de changements climatiques… À ce sujet, je voudrais ajouter que le développement et l’investissement durables font partie intégrante de notre approche pour stimuler la productivité. Par exemple, lorsque nous évaluons la possibilité d’améliorer une chaîne de production, nous tenons compte de cet aspect dans notre analyse. Aujourd’hui, on ne peut plus séparer ces deux éléments, ils doivent absolument être intégrés.

Sophie : Bicha Ngo, je vous remercie chaleureusement pour cet échange.

MINIBIO

Sophie Larivière-Mantha, ing., MBA, ASC
Présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec depuis 2022, Sophie Larivière-Mantha s’est fixé trois priorités sur lesquelles elle désire intervenir durant son mandat˜: la surveillance des travaux, le développement durable et la place des femmes en génie.

Bicha Ngo, CFA
Bicha est une professionnelle aguerrie du monde de la finance reconnue pour son esprit stratégique et sa vaste expérience des transactions complexes. Bicha Ngo a été nommée présidente-directrice générale d’Investissement Québec en février 2024.

 

L’innovation et la productivité sont des clés essentielles, tout particulièrement dans un contexte économique marqué par l’incertitude tarifaire et une concurrence internationale accrue.

Trois entreprises soutenues par Investissement Québec innovent dans les secteurs de la robotique industrielle, l’aéronautique et l’environnement.

 

 

 

 

 

  1. PureSphera réduit les émissions de gaz à effet de serre en démantelant les appareils frigorifiques de façon optimale.
  2. L’entreprise Abipa International est un leader mondial en usinage et en assemblage aéronautique.
  3. Inogec conçoit des véhicules autonomes industriels innovants pour améliorer la productivité des entreprises.

GRAND V

L’initiative grand V encourage l’investissement et favorise l’innovation durable pour soutenir la croissance des entreprises. grandv.investquebec.com

ÉTUDE SUR L’ENTREPRENEURIAT EN GÉNIE AU QUÉBEC

Disponible dans la section des grands dossiers sur oiq.qc.ca

 

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