Plans de gestion des eaux pluviales : une activité d’ingénierie ?

Cet article s’inscrit dans la collection « PRATIQUE EXEMPLAIRE ».
Par Me Marie-Julie Gravel, conseillère à la surveillance de la pratique illégale et Me Patrick Marcoux, avocat..
En 2021, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme a été mise à jour, obligeant les municipalités à inclure des mesures pour limiter les impacts du ruissellement des eaux pluviales. Quel est le rôle des ingénieures et ingénieurs dans ce domaine ?
Depuis 1960, le Québec enregistre en moyenne 10,5 % de précipitations annuelles supplémentaires, selon Ouranos. Cette hausse a déjà des effets tangibles sur l’environnement, les communautés et l’économie. La question de la gestion durable des eaux pluviales est discutée depuis plusieurs années, ce qui a mené à la publication du Guide de gestion durable des eaux pluviales, en 2011, puis de guides de conception.
Élaboration d’un plan de gestion durable des eaux pluviales
Dans une perspective de gestion durable des eaux pluviales, les projets de développement ou de requalification de sites doivent viser à réduire le ruissellement, limiter la charge polluante des eaux et augmenter leur infiltration dans le sol. Un plan de gestion durable des eaux pluviales, constitué d’un ensemble de mesures et de stratégies, est un outil efficace pour atteindre ces objectifs.
L’élaboration d’un tel guide peut se faire au niveau global (plan directeur) ou peut porter sur des projets spécifiques (de développement ou de requalification) et s’appliquer à différentes échelles (quartier, lot, terrain, etc.). Un plan de gestion durable des eaux pluviales repose sur plusieurs étapes clés : réaliser un inventaire du site, examiner la réglementation en vigueur en matière d’urbanisme et d’environnement, identifier les leviers d’intervention adaptés et concevoir les infrastructures appropriées. Quel est le rôle des membres de l’Ordre dans cette démarche ?
L’ingénieure ou l’ingénieur au sein d’une équipe multidisciplinaire
Bien que la gestion des eaux pluviales soit en général associée à l’ingénierie, les guides de pratique (voir la section « Références ») recommandent de recourir à l’expertise de plusieurs professionnelles et professionnels pour maximiser l’efficacité des initiatives.
En vertu de la Loi sur les ingénieurs, la préparation d’un plan de gestion des eaux pluviales exige la contribution des ingénieures et des ingénieurs pour, notamment, réaliser les études hydrauliques et hydrologiques, effectuer des analyses de risques, concevoir ou modifier les infrastructures (conduites, bassins, etc.), préparer les plans et les devis requis pour les travaux et s’assurer que les normes de conception sont bien respectées.
La contribution des architectes paysagistes est également importante pour les questions concernant les infrastructures vertes, leur intégration harmonieuse à la trame urbaine, la sélection des végétaux ainsi que la mise en place des conditions favorisant leur développement, et pour préparer les plans et devis relatifs à ces travaux.
Finalement, les compétences des urbanistes en aménagement et utilisation du territoire ainsi qu’en matière de réglementation seront nécessaires. En effet, la gestion durable des eaux pluviales requiert des outils de planification et de réglementation qui s’intègrent aux objectifs des municipalités (optimisation de l’occupation du territoire, mobilité, diminution des îlots de chaleur par la déminéralisation, etc.).
Facteurs de succès
Plusieurs facteurs contribuent au succès des projets se rapportant à la gestion des eaux pluviales. Amorcer la réflexion en amont des projets de développement et de requalification du territoire est une étape cruciale. Par exemple, le fait de minimiser les surfaces imperméables ou d’assurer la préservation des zones végétalisées dans les projets de développement aura un impact majeur sur la suite du projet.
La participation active des citoyennes et citoyens aux projets est un autre un facteur de succès important, car elle permet de mieux répondre aux besoins locaux et de renforcer l’adhésion du public et l’appropriation des solutions proposées. À cette fin, les responsables de certains projets majeurs ont invité les personnes résidant dans les quartiers touchés à des séances d’information et même à des ateliers de cocréation, dans le but d’augmenter l’acceptabilité sociale.
En outre, penser à l’entretien des ouvrages de gestion des eaux pluviales, en prenant notamment en considération les conditions hivernales, est essentiel.
Conclusion
L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des précipitations nécessite l’implantation de plans d’actions concertés. Les lois et règlements exigent de plus en plus l’intégration des principes de gestion durable des eaux pluviales dans les projets de développement ou de requalification de sites. Ces principes font certes appel aux compétences exclusives des ingénieures et ingénieurs dans le domaine des infrastructures urbaines, mais exigent la collaboration entre les professionnelles et les professionnels, les responsables municipaux et les citoyennes et les citoyens. Cette situation représente des perspectives de développement professionnel enrichissantes pour les ingénieures et les ingénieurs exerçant dans ce domaine.
Marie-Julie Gravel, ing., conseillère à la surveillance de la pratique illégale, et Me Patrick Marcoux, avocat.
Références
Plusieurs documents de référence regroupent des recommandations, des exemples de bonnes pratiques et des guides de conception. Nous en citons trois ici :
Guide du Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU) : https://ceriu.qc.ca/bibliotheque/guide-integration-gestion-eaux-pluviales-amenagement-site-approche-urbanistique-2e
Guide de gestion des débordements et des dérivations d’eaux usées, tome III, chapitre 19 : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eaux-usees/ouvrages-municipaux/debordements/guide/guide-gestion-debordements-tome3.pdf
Site du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs : Guides et documents de référence d’aide à la conception