Miser sur le métal comme vecteur d’énergie propre

Cet article s’inscrit dans la collection « RÉFLEXION ».
Par Pascal Boudreau
Pascal Boudreau a fait un baccalauréat et une maîtrise en génie mécanique à l’Université de Sherbrooke, y développant un intérêt marqué pour le secteur énergétique et les défis liés à la décarbonation. En 2021, il a entrepris un doctorat au laboratoire des carburants de remplacement de l’Université McGill ; il se consacre à l’étude de l’aluminium comme vecteur énergétique circulaire.
MA PASSION POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Le secteur de l’énergie nous touche toutes et tous, tous les jours. Nous en dépendons pour nous déplacer, nous chauffer et nous alimenter. L’accès à l’énergie est synonyme de richesse et de confort, comme le montre la forte corrélation entre la consommation d’énergie par individu et le produit intérieur brut dans tous les pays du monde.
Alors que nous avons grandement bénéficié de l’utilisation de combustibles fossiles, il nous faut maintenant nous en détourner dans les 25 prochaines années, sous peine d’accélérer les dérèglements climatiques déjà observés. Le système énergétique de demain devra reposer sur l’exploitation de sources d’énergie renouvelables et durables, synonyme d’un virage vers l’électrification.
Le solaire et l’éolien représenteront sans doute les piliers de ce système, étant déployés massivement à travers le monde en raison de leur abordabilité. Leur production varie toutefois d’heure en heure et de saison en saison. Or, nos systèmes énergétiques et nos procédés industriels actuels reposent sur l’utilisation d’énergie fossile disponible en tout temps, qui est dense en énergie et facile à stocker et à déplacer. Électrifier ces systèmes entraînera nécessairement des changements technologiques, dont l’utilisation de diverses méthodes de stockage, parmi lesquelles l’aluminium pourrait jouer un rôle.
L’ALUMINIUM, SOURCE D’ÉNERGIE
Peu de gens le savent, mais ce métal stocke énormément d’énergie : un litre d’aluminium en contient davantage que deux litres de diesel. Produire de l’aluminium consiste à réduire de l’oxyde d’aluminium en métal en utilisant de l’électricité, permettant ainsi de stocker cette énergie sous forme de lien chimique. Ce même principe s’applique d’ailleurs à la production d’hydrogène vert, vu par plusieurs comme un carburant de l’avenir.
En plus de stocker beaucoup d’énergie, l’aluminium présente l’avantage de pouvoir voyager facilement. En effet, une fine couche d’oxyde se forme instantanément à la surface de l’aluminium en contact avec l’air, rendant le métal inerte dans les conditions ambiantes. Il devient donc possible de conserver de l’énergie de manière saisonnière, de l’exporter outre-mer, ou de décarboner des communautés et des industries éloignées comme les sites miniers.
Une fois l’énergie stockée, il faut évidemment pouvoir la récupérer. Comment ? L’aluminium peut réagir avec de l’eau dans des conditions particulières, ce qui permet de produire de la chaleur et de l’hydrogène sur demande. Pour assurer la durabilité du concept, l’oxyde d’aluminium également produit doit être récupéré et ramené à une aluminerie pour boucler le cycle.
Dans notre laboratoire, nous mettons au point une technologie permettant l’oxydation complète de l’aluminium avec de l’eau à haute température et à haute pression. L’hydrogène et la chaleur générés de manière contrôlée sont ensuite utilisés pour produire de l’électricité ou pour décarboner divers procédés industriels. Mon projet de doctorat vise à caractériser la vitesse de cette réaction et à évaluer le potentiel techno-économique de la technologie, dans le but de cerner dans quelles applications il deviendra avantageux d’utiliser cette solution.
ALUMINIUM ET RÉDUCTION DE L’EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE
Miser sur les métaux pour contribuer à la transition énergétique nécessite toutefois de modifier leurs procédés de production qui, comme tout le reste, reposent actuellement sur les énergies fossiles. L’utilisation d’anodes de carbone mène présentement au rejet de gaz carbonique lorsqu’on produit de l’aluminium. C’est pourquoi il faudra miser sur une méthode plus durable en ayant recours notamment à des anodes inertes, une technologie présentement en développement.
Décarboner l’industrie de l’aluminium est nécessaire pour l’atteinte de la carboneutralité et pour s’assurer que ce métal peut servir de vecteur énergétique durable.
En terminant, il convient de rappeler que plusieurs des technologies nécessaires à la transition ont déjà fait leurs preuves et peuvent être déployées dès aujourd’hui. Il reste encore du travail de recherche à effectuer pour relever les défis de demain, mais dans bien des cas, ce ne sont pas les efforts des ingénieures et des ingénieurs qui freinent les progrès. Une bonne dose de volonté politique pourrait accélérer la mise en place de mesures de décarbonation.
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Quatre technologies essentielles à la transition
Les énergies solaire et éolienne. Leurs coûts n’ont cessé de diminuer avec les années, bien que, dans certains cas, il est maintenant moins coûteux de produire de l’électricité renouvelable que d’exploiter des centrales au charbon ou au gaz naturel.
Les batteries. De plus en plus abordables et performantes, elles facilitent le déploiement de stockage énergétique à courte durée et rendent les voitures électriques plus accessibles.
Les thermopompes. Elles nous permettent de chauffer des bâtiments en utilisant près de trois fois moins d’électricité que les traditionnelles plinthes électriques.
L’aluminium « vert ». Il est indispensable en raison de son rôle de matériau structurel, et aussi de sa capacité à stocker de l’énergie, qui peut être transportée partout dans le monde.
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