2 novembre 2009

Infrastructures publiques : de l’argent, des chantiers… et de la vision

Lettre d'opinion du 11 février 2009 par M. Zaki Ghavitian, ing., président de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Les annonces publiques d'investissements en infrastructures se succèdent à un rythme effréné.

Les budgets déferlent littéralement. Cette année seulement, Québec consacrera 3,7 milliards de dollars au redressement de son réseau routier, dont plus de 40 % pour le développement de nouveaux axes. Le tout s’inscrit dans le cadre d’un vaste plan de 41,8 milliards entre 2008 et 2013. Ottawa n’est pas en reste : 12 milliards en 2 ans pour les infrastructures publiques dont 7 pour les seules municipalités qui, au demeurant, en ont bien besoin.
 
C’est un rattrapage spectaculaire quand on songe qu’il a fallu des années, ainsi que la catastrophe du viaduc de la Concorde, pour se convaincre que les infrastructures ont besoin d’être entretenues et financées pour durer. Mais au-delà du rattrapage, les investissements de développement créent de nouvelles obligations qu’il nous faudra assumer.
Sommes-nous prêts à dépenser tous ces milliards au meilleur intérêt de la société en une si courte période de temps ? Cette
manne soudaine exige une réflexion approfondie et l’Ordre des ingénieurs du Québec s’y est engagé.
 
Ressources humaines et entrepreneuriales : des questions
Resté très bas pendant des années à cause du manque de débouchés, le nombre de finissants en génie civil augmente enfin. Les programmes de formation, longtemps négligés, reçoivent eux aussi un meilleur financement. Mais ces nouveaux venus ont besoin d’encadrement, alors que des ingénieurs plus âgés s’apprêtent souvent à prendre leur retraite. La relève et le transfert de connaissances entre anciens et nouveaux ingénieurs en génie civil sont des enjeux majeurs qui requièrent toute notre attention et qui interpellent les organisations et, au premier chef, le ministère des Transports du Québec. Et ce sont les ingénieurs qui ont la
compétence et l’expertise nécessaires pour mener à bien tous ces projets.
 
Les mêmes questions se posent pour l’industrie, qui doit rapidement se développer pour réaliser ces nouveaux projets et intégrer de nouvelles technologies.
 
Par ailleurs, on ne peut ignorer le risque de surchauffe, qui pourrait se traduire par une augmentation des prix qui ne profiterait certes pas à la société. Aux côtés du ministère des Transports, il y a 1115 municipalités, sans oublier les grands acteurs du domaine de l’énergie, du transport en commun, de la santé et les services sociaux qui planifient, eux aussi, des milliards de dollars d’investissements et de travaux publics. Tous ces donneurs d’ouvrage et autres acteurs du domaine de la construction doivent se concerter et programmer leurs activités en tenant compte des ressources et des limites de l’industrie, quitte à étaler dans le temps certains investissements moins critiques.
 
De la vision 
Au-delà de ressources humaines et entrepreneuriales, c’est d’une vision à long terme dont nous avons besoin. Les municipalités par exemple, gèrent elles aussi des infrastructures essentielles. Malgré des progrès significatifs, peu d’entre elles ont encore les moyens et l’expertise nécessaires pour développer et gérer leurs infrastructures à long terme.
 
Un changement de culture s’impose. Il faut éviter de reproduire les erreurs du passé et se donner les moyens de s’affranchir des aléas des cycles politiques et économiques. Il faut de la vision, de l’objectivité et de la constance. C’est pourquoi l’Ordre des ingénieurs du Québec prône la mise en oeuvre de plans d’intervention intégrés et à long terme par tous les propriétaires et gestionnaires d’infrastructures, les municipalités, les organismes publics et le ministère des Transports.
 
Le plan d’intervention décrit les différentes actions – entretien préventif sous toutes ses formes, réhabilitation ou rénovation,
reconstruction – qui doivent être planifiées à long terme afin d’offrir aux citoyens un niveau de qualité satisfaisant à un coût global minimum. Il intègre toutes les infrastructures, routes, structures et réseaux souterrains. Il permet aux propriétaires d’infrastructures de se doter d’une vision cohérente de la réalité et de son évolution. Cela implique un diagnostic, l’établissement de priorités et la planification de l’entretien en fonction du cycle de vie des infrastructures. L’intérêt public et la confiance du citoyen y gagneront à
coup sûr.
 
Changer une culture demande du temps et de la volonté politique. Il est impératif de commencer dès maintenant, et l’Ordre des ingénieurs du Québec s’y emploie auprès du milieu. Ajoutons que le Colloque 2009 de l’Ordre, un événement axé sur le développement professionnel des ingénieurs, portera sur les infrastructures et les travaux publics.
 
Une responsabilité qu’il faut assumer
Les infrastructures sont comme les humains. Elles ont besoin de soins constants, particulièrement quand elles prennent de l’âge.
 
Après un nécessaire rattrapage comme celui entrepris pour les viaducs, ponts et échangeurs routiers, après un boom de
construction pour développer notre réseau routier, il faudra des programmes pour assurer leur entretien et les maintenir en bon état. D’où l’importance d’éviter le piège de la précipitation sans lendemain. Lorsque l’économie se portera mieux, il serait trop facile d’oublier l’entretien des infrastructures et de passer à autre chose. Erreur grave à ne reproduire en aucun cas.
 
En cette période d’incertitude économique et devant le risque de récession, annoncer des programmes d’investissement sans précédent est rassurant et motivant. Mais ne nous contentons pas de cela. Exigeons que cet argent soit investi de manière sage, durable et responsable.
 
 
 
À propos de l’Ordre des ingénieurs du Québec
Fondé en 1920, l’Ordre des ingénieurs du Québec regroupe plus de 60 000 professionnels du génie de toutes les disciplines, à l’exception du génie forestier.
Mission
L’Ordre a comme mission d’assurer la protection du public en contrôlant l’exercice de la profession dans le cadre de lois constitutives de l’Ordre et de mettre la profession au service de l’intérêt du public.