Geneviève Gariépy, ing. : profession, ingénieure du futur

Cet article s’inscrit dans la collection « VOIR GRAND ».
Par Pascale Guéricolas, journaliste.
Séduite par l’optique dès son stage de deux mois à l’Institut national de la recherche scientifique sur le plus gros système laser du Canada, avant même d’avoir ter- miné son baccalauréat en génie physique à Polytechnique Montréal, Geneviève Gariépy, ing., n’a jamais regretté son choix de carrière. Devenue ingénieure système pour la compagnie ABB en 2016 après avoir obtenu un doctorat en optique en Écosse, elle y développe son expertise en satellites. Comment ? En coordonnant le travail des spécialistes qui élaborent des technologies innovantes et en s’assurant que cela correspond bien aux besoins du client. Au fil des contrats, la jeune ingénieure, très sensible aux enjeux environnementaux, a l’occasion de travailler avec l’Agence spatiale canadienne. Avec beaucoup d’enthousiasme, elle pilote le développement technologique d’un système pour la détection de gaz à effet de serre. Le but : mettre au point un spectromètre imageur, placé dans un ballon gonflé à l’hélium à 35 kilomètres d’altitude, qui permet de tester un instrument pour une future mission satellitaire.
« Ce projet très complexe combine mes principaux champs d’intérêt que sont l’optique et la lutte contre les changements climatiques, explique la jeune femme, tout sourire. Les données qui pourraient être recueillies par la mission satellitaire serviraient aux scientifiques d’Environnement et Changement climatique Canada et à d’autres partenaires pour mieux comprendre les phénomènes liés au réchauffement de la planète. » Dès 2022, cette expérience inspirante, ainsi que son bagage universitaire, l’amènent d’ailleurs à occuper le poste de cheffe de la Mission d’observation de l’Arctique pour l’Agence spatiale canadienne pendant près de deux ans.
« Les jeunes ingénieures occupent une position privilégiée pour exercer une influence positive sur notre milieu. Il faut utiliser toutes les tribunes dont nous disposons, car chaque contribution compte, et nos efforts sont cumulatifs ».
Geneviève Gariépy, ing. Gestionnaire du Groupe optique pour l’Agence spatiale canadienne
L’environnement avant tout
Il s’agit d’une fonction de rêve pour celle qui apprécie la nature depuis son enfance passée dans les bois et sur les lacs du Saguenay. Bien décidée à tout mettre en œuvre pour la défendre et à maintenir la planète habitable pour toute l’humanité, cette végane adepte du transport collectif tient à ce que son orientation professionnelle reflète aussi son engagement envers la défense de l’environnement. Voilà pourquoi son rôle de cheffe d’orchestre du travail des ingénieures et des ingénieurs de l’Agence, et aussi des partenaires scientifiques d’Environnement et Changement climatique Canada ou d’autres partenaires internationaux de l’organisme fédéral, lui va comme un gant.
L’ingénieure en génie optique facilite en effet la future réalisation d’une mission visant à collecter des données sur la réalité climatique d’une région nordique qui se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la Terre, une zone jusque-là peu couverte par les satellites. Sous sa gouverne, les équipes sur place développent des concepts de technologies destinés notamment à mesurer les GES. Ces informations, encore à recueillir, permettront de comprendre le cycle naturel de ces gaz et ses variations liées entre autres à la fonte du pergélisol, pour adapter les efforts d’atténuation. Devenue, depuis quelques mois, gestionnaire du Groupe optique, Geneviève Gariépy bénéficie maintenant d’une vue d’ensemble sur le travail des expertes et des experts techniques de l’Agence spatiale canadienne engagés dans diverses missions se rapportant à l’instrumentation optique. Une telle situation stratégique aura pour effet de mettre à profit les données satellitaires en pleine expansion au Canada afin de mieux contribuer au développement durable.
Cap sur la diversité
Très investie dans l’observation des phénomènes à très grande échelle, cette jeune femme audacieuse n’oublie pas la société dans laquelle elle vit. Lauréate 2024 du prix Honoris Genius — Progression des femmes dans la profession de l’Ordre des ingénieurs du Québec, la trentenaire multiplie les actions pour favoriser la diversité et l’inclusion en génie. C’est là, selon elle, que réside la source de la créativité pour trouver les solutions de demain dans le domaine spatial.
« Les jeunes ingénieures occupent une position privilégiée pour exercer une influence positive sur notre milieu. Il faut utiliser toutes les tribunes dont nous disposons, car chaque contribution compte, et nos efforts sont cumulatifs », s’exclame Geneviève Gariépy. Cette ambassadrice de l’Ordre ne se limite pas à visiter les écoles. Elle a aussi fondé Soapbox Science à Montréal, une organisation qui donne la parole à des femmes qui travaillent dans le milieu scientifique, dans le cadre de rencontres en plein air. Chaque semaine, cette ingénieure multitâches rencontre également, par l’entremise de Scientifines, des jeunes filles du secondaire issues de milieux défavorisés. Une façon pour elle de lutter contre le décrochage scolaire en les aidant à monter leur projet d’Expo-sciences. De plus, plusieurs fois par trimestre, elle mentore des étudiantes en génie à l’université, dont quelques-unes prendront peut-être le chemin des étoiles.
Après plusieurs années dans cet univers, Geneviève Gariépy constate d’ailleurs que le secteur spatial attire des talents exceptionnels, et que ce domaine ne pourra que s’enrichir de l’arrivée d’une main-d’œuvre diverse et inclusive. D’autant plus que les choses évoluent rapidement grâce à la multiplication des petits satellites et à la baisse de coûts qui rendent les missions plus abordables. Les prochaines années sont prometteuses pour cette optimiste invétérée qui pourra bénéficier de l’apport des données satellitaires pour lutter contre les changements climatiques et contribuer au développement durable.