, 4 juillet 2023

BIM – Une gestion collaborative des projets de construction

En proposant des maquettes numériques tridimensionnelles et une approche collaborative, la modélisation des données du bâtiment (désignée par le sigle BIM correspondant à l’appellation anglaise Building Information Modeling) transforme la manière dont les projets sont gérés dans l’industrie de la construction.

Cet article s’inscrit dans la collection « DOSSIER BIM »
Par Mélanie Larouche


Les mérites de la modélisation des données du bâtiment pour la gestion des projets de construction sont largement reconnus. L’étroite collaboration de toutes les parties prenantes est au cœur du BIM, qui est une représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bâtiment ou d’une infrastructure. Le BIM met en commun et structure toutes les données et informations provenant des diverses disciplines auxquelles on a recours dans la réalisation d’un projet et constitue une base fiable pour les décisions tout au long du cycle de vie de l’actif bâti. À travers cette course à relais qu’est la construction, le BIM vient réduire la marge d’erreur, faciliter le travail collaboratif et améliorer la qualité du projet final. Grâce au BIM, tous et toutes travaillent en synergie à partir d’une même base fiable qui évolue en temps réel et prend en compte l’entièreté d’un projet de construction, depuis son idéation et sa construction, en passant par son exploitation et sa maintenance, et jusqu’à la fin du cycle de vie d’une infrastructure.

« Exploiter, maintenir et gérer un actif de façon optimale pendant toute sa durée de vie, et même jusqu’à son démantèlement, voilà ce que propose le BIM. »

Emil Dobrescu, ing. — Hydro-Québec

« Avec le BIM, on arrive à construire tout le projet virtuellement avant la mise en chantier, souligne Ivanka Iordanova, professeure à l’École de technologie supérieure (ÉTS), experte en BIM. La modélisation multidimensionnelle permet l’intégration de tous les éléments, jusqu’aux infimes détails, nécessaires pour ensuite faire une simulation de performance à la fois structurelle, énergétique, environnementale, acoustique, etc. Il est possible de se rapprocher très près de la réalité avec cette modélisation. Ainsi, le BIM aide à réduire les erreurs puisqu’on peut les déceler et les corriger assez tôt dans le projet, de façon que leur correction ait un moindre impact sur le coût et l’échéancier des travaux. Son caractère pluridisciplinaire prend en compte toutes les disciplines dans un même espace de collaboration et de communication. C’est très précieux comme outil de gestion. » Le BIM en lui-même est une grosse base de données partagée, un environnement commun des données. Les intervenants et intervenantes de chacune des disciplines produisent leur propre fichier qu’ils intègrent ensuite dans le même espace de partage. Au moyen d’un logiciel ou d’une plateforme BIM spécialement conçus pour cette mise en commun, il est alors possible de voir le bâtiment avec tous les aspects superposés.

 

Optimisation de l’outil 

Cependant, la professeure Iordanova insiste sur le fait que cette modélisation doit être analysée adéquatement, du point de vue de la personne qui l’utilise comme de celui du ou de la propriétaire ou du gestionnaire. «Il faut faire l’effort d’exploiter pleinement le modèle BIM pour pouvoir en tirer le maximum de bénéfices, note-t-elle. Le BIM exige de la rigueur pour représenter l’évolution du projet, il doit être alimenté continuellement. Obligatoirement, il faut attribuer les ressources nécessaires pour sa mise à jour constante, un coordonnateur BIM par exemple, pour s’assurer que le modèle correspond à l’évolution de la conception et à la réalité au chantier à tout moment. C’est seulement ainsi qu’il est possible de profiter de tous les avantages. Parce qu’il permet d’avoir un regard commun sur tout le projet, le modèle BIM favorise nettement le travail collaboratif, ce qui aide énormément à la conception d’une construction de meilleure qualité. Toute l’information recueillie sert à gérer le bâtiment de a à z, pendant son cycle de vie complet, pour une réelle optimisation du projet.»

« Parce qu’il permet d’avoir un regard commun sur tout le projet, le modèle BIM favorise nettement le travail collaboratif, ce qui aide énormément à la conception d’une construction de meilleure qualité. »

Ivanka Iordanova — École de technologie supérieure

Un levier de cohésion 

« Le BIM permet un suivi rigoureux des besoins du client et une meilleure compréhension du concept et de la constructibilité du projet, des facteurs clés pour assurer le succès d’un projet de construction, explique Emil Dobrescu, ing., expert CAO 3D-BIM chez Hydro-Québec. Le BIM favorise une collaboration étendue entre tous les acteurs contributeurs et toutes les parties prenantes. C’est un outil très efficace pour réaliser des projets clés en main de haute qualité, dans les délais prévus et à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire fixée. »

Selon Emil Dobrescu, cette collaboration autour d’un référentiel de travail commun, représenté sous la forme d’une maquette fédérée, permet à toutes les parties prenantes d’avoir une seule source de vérité, d’éviter de potentielles erreurs durant la phase de conception, d’améliorer le concept et de décliner plusieurs variantes du concept initial. « Ainsi, à la phase suivante, celle de la construction, on arrive à réaliser des ouvrages, des installations ou des infrastructures d’une qualité nettement supérieure, précise-t-il. Au-delà de la conception et de la construction, le BIM met ainsi la table pour une myriade de possibilités. Exploiter, maintenir et gérer un actif de façon optimale pendant toute sa durée de vie, et même jusqu’à son démantèlement, voilà ce que propose le BIM. »

 

Un outil de productivité 

L’arrivée du BIM dans le domaine de la construction a introduit un nouveau paradigme, celui du travail collaboratif. «Cette méthode de travail élimine le cloisonnement et le travail séquentiel pour évoluer vers un système de travail structuré, organisé à partir d’une équipe de projet unie autour d’un seul référentiel commun, mentionne Emil Dobrescu. Le concept “intervenants, processus d’affaires, outils de travail et données” (People, Process, Tools and Data) est au cœur de la réussite d’un projet gouverné par le BIM.» Emil Dobrescu indique que les entrepreneurs ont été les premiers à comprendre les bénéfices du BIM. « Ç’a été difficile au début, surtout en raison de la règle selon laquelle le donneur d’ouvrage attribue le contrat au soumissionnaire qui propose le plus bas prix dans le cadre d’un appel d’offres pour les projets publics, parce que le BIM augmente le coût d’un projet. Mais les entrepreneurs ont vite réalisé que le BIM leur permettait d’être plus productifs. Dans un même laps de temps, ils peuvent ainsi réaliser beaucoup plus de projets, et souvent les terminer avant le délai prescrit. Ça représente donc plus de profits et de contrats pour eux. »

Emil Dobrescu rappelle que le BIM est régi entre autres par la norme ISO 19650, une norme internationale en constante évolution. «Bien que le fond du BIM demeure le même, chaque pays a ses couleurs propres, signale-t-il. Les aspects légaux et les encadrements sont différents d’un pays à l’autre. La mise en place éventuelle d’une politique internationale permettra la mondialisation du BIM et facilitera assurément aux entreprises québécoises la réalisation de projets de construction à l’étranger. »

 

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