Anne-Catherine Tremblay, ing : engagée contre les GES
Cet article s’inscrit dans la collection « ACCOMPLIR ».
Par Pascale Guéricolas, journaliste.
Adolescente éprise de nature et de camping, Anne-Catherine Tremblay n’hésitait pas à rappeler à sa famille – et notamment à ses parents qui exercent tous deux la profession d’ingénieur – l’importance de réduire la consommation d’eau et les déchets, et elle passait à l’action. Rien d’étonnant dans ces conditions qu’elle s’oriente vers le programme de génie des bioressources de l’Université McGill. « La formation me semblait tournée vers les solutions concrètes, techniques, pour mieux utiliser nos ressources et assurer la durabilité de l’environnement », explique cette amoureuse de la biologie.
Ses études, terminées en 2016, la confortent dans son intuition. La combinaison d’ingénierie bioenvironnementale, qu’il s’agisse de la connaissance des sols, de l’eau, de la gestion des déchets organiques, et des cours portant sur la bioproduction ou les bioprocédés la passionne. L’utilisation des déchets pour la production d’énergie renouvelable, découverte à l’occasion d’un stage à la fin de son baccalauréat, lui indique la voie professionnelle à suivre.

« La formation me semblait tournée vers les solutions concrètes, techniques, pour mieux utiliser nos ressources et assurer la durabilité de l’environnement »
Anne-Catherine Tremblay, ingénieure de projet en énergie et ressources au cabinet-conseil Cima+.
Dès lors, Anne-Catherine Tremblay cumule une série de projets en biométhanisation afin de répondre à une promesse qu’elle s’est faite : celle que chaque heure consacrée à son travail permette de faire baisser la concentration de GES dans l’atmosphère.
En effet, ce processus contribue justement à réduire les émissions de méthane. Plutôt que de libérer un gaz 25 fois plus nocif que le gaz carbonique lorsqu’ils se retrouvent dans les centres d’enfouissement, les détritus subissent une transformation biologique à l’intérieur des digesteurs grâce aux bactéries. Cela permet de récupérer le méthane alors produit, puis de l’utiliser comme substitut au gaz naturel, soit dans le réseau gazier québécois ou directement sur le lieu de production.
Au cœur de plusieurs démarrages d’usines de biométhanisation
L’autre atout de la biométhanisation pour l’ingénieure travaillant pour le cabinet de génie-conseil Cima+, c’est aussi la production en fin de processus de fertilisant de très haute qualité. Elle qui a étudié la croissance des plantes souligne que les cultures ne peuvent que bénéficier de l’apport d’un engrais efficace et dépourvu de contaminants. En plus, son utilisation réduit les intrants chimiques au champ.
Au fil de sa carrière, Anne-Catherine Tremblay participe ainsi à la mise sur pied à Rivière-du-Loup de la première usine de biométhanisation du Québec pour le traitement des matières organiques résidentielles et industrielles de la région dès 2015 (voir l’encadré). Puis, elle se lance dans le démarrage de procédés de biométhanisation des boues d’une station d’épuration à Laprairie et à Mont-Saint-Hilaire, avant de réfléchir avec d’autres au futur Centre de biométhanisation des matières organiques de l’agglomération de Québec. Il verra finalement le jour en 2024.
Curieuse de nature, cette mère de trois jeunes enfants s’implique actuellement dans toutes les phases de plusieurs centres d’envergure en biométhanisation, qu’il s’agisse de la conception, du choix des équipements, de la gestion de projet ou de la formation du personnel.
Pour l’avenir, Anne-Catherine Tremblay fonde beaucoup d’espoir sur l’utilisation de ce processus dans d’autres secteurs, en particulier dans les milieux forestier et agricole. Depuis quelques années, elle étudie notamment un projet pour traiter les lisiers de 600 vaches à Shefford, en Estrie. Cela l’a amenée à trouver des moyens pour simplifier les opérations et les rendre plus robustes. « La complexité du marché de l’énergie et des réglementations québécoises retarde cependant l’aboutissement des projets, déplore l’ingénieure. Les choses avancent mieux en Ontario ou aux États-Unis. » Optimiste malgré tout, Anne-Catherine Tremblay espère voir arriver ici de nouvelles technologies pour rendre la biométhanisation plus efficace. Et de mentionner, par exemple, l’utilisation d’hydrogène pour améliorer la production de méthane comme substitut au propane. Une façon encore une fois pour elle de combattre les GES.
Démarrage de la première usine municipale de biométhanisation à Rivière-du-Loup
Boules de quilles, restes de tente, métal, le contenu de certains des premiers bacs bruns réceptionnés au centre de biométhanisation donne bien du fil à retordre aux équipes de travail. D’abord stagiaire, puis à l’emploi de la Société d’économie mixte Énergie – énergies locales et renouvelables, Anne-Catherine Tremblay participe à la conception et à l’amélioration de l’usine en choisissant des équipements et en testant leur efficacité. Il faut d’abord créer la flore bactérienne, utilisée dans les grands digesteurs pour traiter la matière. Puis mettre en place la connexion avec le site d’enfouissement des déchets, situé à quelques kilomètres du centre de traitement, pour récupérer le méthane. Sans oublier les processus pour s’occuper des eaux, du biogaz, et liquéfier le biométhane en le séparant du gaz carbonique. Bien des efforts sont investis également dans la captation du plastique avant la production du fertilisant agricole pour s’assurer de sa haute qualité.
Quelques données sur le génie des bioressources
- 40 étudiantes et étudiants terminent chaque année un baccalauréat en génie des bioressources à l’Université McGill, qui prévoit plus que doubler ses effectifs d’ici quelques années.
- Augmentation de 300 % du nombre de diplômées et diplômés depuis 20 ans.
- L’Université Laval propose un baccalauréat en génie agroenvironnemental.
