Robots à l’hôpital : la technologie au chevet de la patientèle
Cet article s’inscrit dans la collection « ACCOMPLIR ».
Par Valérie Levée, journaliste.
Au CHUM, les robots sont déjà bien implantés, avec toute une flotte de véhicules autoguidés qui s’affairent à transporter du matériel hospitalier. Justement, le CHUM a été conçu en prévision de l’arrivée des robots, contrairement aux hôpitaux plus anciens, où les couloirs souvent étroits ne sont guère propices à leur circulation. C’est pourquoi le Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches a fait appel à Noovelia, une entreprise québécoise spécialisée dans la conception de robots logistiques pour l’industrie. « On nous a appelés pour développer un robot mobile autonome capable d’automatiser le transport logistique des repas, la lingerie, les médicaments… Les robots autonomes sont en mesure de contourner les obstacles. Ils sont plus polyvalents et peuvent être déployés dans les hôpitaux existants », explique Stephan Elliott, ing., PDG de Noovelia. Le CHU de Québec–Université Laval et le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal se sont également joints au projet.
Robot de logistique
Le robot que Noovelia développe pour les hôpitaux s’appelle Pee-Wee. Il doit relever plusieurs défis : naviguer dans un environnement complexe, éviter les obstacles et cohabiter avec des personnes. Il est donc équipé de plusieurs capteurs et monté sur des roues pivotantes pour être omnidirectionnel et créer autour de lui une bulle de sécurité. Il dispose aussi d’un écran pour communiquer ses intentions aux personnes qui croisent son chemin. Pee-Wee doit aussi organiser ses livraisons en fonction des besoins dans l’hôpital. Il reçoit ses consignes par téléphone, ordinateur ou autres interfaces de communication qu’il traite pour définir un itinéraire optimal. De son côté, le destinataire de la livraison reçoit un message pour l’informer de l’arrivée du robot.
Dès cet été, Pee-Wee doit faire ses premiers tours de roues à l’Hôtel-Dieu de Lévis.
« Les robots autonomes sont en mesure de contourner les obstacles. Ils sont plus polyvalents et peuvent être déployés dans les hôpitaux existants. »
Stephan Elliott, ing., PDG de Noovelia
LES ROBOTS À L’HÔPITAL
- Le CHUM possède 70 véhicules autoguidés.
- Pee-Wee, le robot logistique hospitalier de Noovelia, est 100 % québécois.
Selon Stephan Elliott, les préposés aux bénéficiaires consacrent 30 % de leur temps à des tâches logistiques sans valeur ajoutée humaine qui pourraient être effectuées par des robots. - Le déploiement de Pee-Wee dans les hôpitaux pourrait représenter 30 % du chiffre d’affaires de Noovelia.
- Le Québec ne fabrique pas de robots humanoïdes.
- Aldebaran a vendu 40 000 robots NAO et Pepper dans 70 pays.
Robots humanoïdes
Au CHUM, il y a aussi Luca, un robot humanoïde avec deux bras et un tronc monté sur une base mobile, qui tient compagnie aux patientes et aux patients par l’intermédiaire d’un écran. Luca fait partie de la famille des robots Pepper commercialisés par Aldebaran, une entreprise française rachetée par des Japonais. À l’Hôpital général juif de Montréal, Grace est un autre robot de compagnie humanoïde avec, en plus, un visage capable d’expressions faciales. « La morphologie humaine et l’expression faciale favorisent des interactions sociales plus naturelles », remarque Wael Suleiman, ing., professeur au Département de génie électrique et génie informatique de l’Université de Sherbrooke. Il précise cependant que, sous la tête, le robot doit garder l’apparence d’une machine pour être accepté. « C’est psychologique. On sait que c’est un robot et pas une personne », précise-t-il. Ces robots de compagnie sont capables de communiquer, mais n’interagissent pas physiquement avec les personnes.
L’interaction physique pose en effet de nouveaux défis, car le contact avec les personnes doit être sécuritaire et confortable. Les robots d’assistance pour aider une personne à se lever ou à s’habiller doivent être équipés de capteurs pour contrôler leur force, en plus de systèmes de navigation pour se déplacer et évoluer de façon autonome dans l’environnement hospitalier, de concert avec les personnes et, plus tard, avec d’autres robots. C’est ce que développe Wael Suleiman dans son laboratoire avec de petits robots humanoïdes NAO, également commercialisés par Aldebaran. Cependant, leur petite taille d’une cinquantaine de centimètres ne leur permet pas de travailler avec des personnes. Wael Suleiman collabore donc avec le Laboratoire d’informatique, de robotique et de micro-électronique de Montpellier, en France, pour transposer l’expertise sur un robot HRP-4 de taille humaine.
« La morphologie humaine et l’expression faciale favorisent des interactions sociales plus naturelles. »
Wael Suleiman, ing., professeur au département de génie électrique et génie informatique de l’Université de Sherbrooke
Défis technologiques, éthiques et juridiques
À l’avenir, les robots de logistique et humanoïdes pourront collaborer, par exemple avec un robot qui livre les plateaux repas à la sortie de l’ascenseur et un humanoïde qui fait le service dans les chambres, aide les patientes et les patients à se lever et à s’installer pour manger. Par ailleurs, les robots recueillent avec leurs caméras beaucoup d’images de nature confidentielle sur les personnes. « S’il y a des blessures, qui faut-il blâmer ? La personne qui a développé le contrôleur, celle qui a fabriqué le robot ou celle qui l’a déployé ? » s’interroge Wael Suleiman. En plus des défis technologiques, il faudra régler des défis d’ordre éthique et juridique.
Le professeur Wael Suleiman, ing., entouré de deux robots humanoïdes capables de communiquer.
Ces robots n’intéragissent physiquement pas encore avec la patientèle.
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