LATÉRAL : Oser le bois

L’intégration du bois a valu le prix Visionnaire à la firme Latéral pour son projet de pavillon universitaire sur le campus de l’Université de Sherbrooke, une réalisation faisant preuve d’innovation, d’audace et de proactivité.

Cet article s’inscrit dans la collection « Prix Visionnaire de l’AFG ».
Par Pascale Guéricolas

Photos : Raphaël Thibodeau


Avant même la première pelletée de terre lançant la construction de ce pavillon, l’Institut quantique, installé sur le campus de l’Université de Sherbrooke, recevait une subvention d’un million de dollars du Programme de vitrine techno logique pour les bâtiments et les solutions innovantes en bois du ministère des Ressources naturelles et des Forêts. Cet édifice de trois étages, qui accueille des scientifiques effectuant aussi bien des travaux de recherche comportant des essais en laboratoire que des études théoriques, présente des caractéristiques uniques en Amérique du Nord, à l’image du type de recherche qu’il abrite.

Ce projet très complexe intègre une structure de bois apparente unique. Il s’agit d’un choix écologique, puisque ce matériau, qui séquestre le carbone, réduit l’empreinte environnementale du bâtiment comparativement à l’utilisation de béton, qui génère des gaz à effet de serre lors de sa fabrication. Une étude réalisée selon les lignes directrices de la norme ISO 14064 a d’ailleurs clairement montré que le recours au bois a permis d’éviter l’émission de 183 tonnes d’équivalent de CO2 dans l’atmosphère, soit l’équivalent d’environ 56 voitures en moins sur la route pendant un an.

Une fois le matériau choisi, l’équipe d’ingénierie s’est naturellement tournée vers le bois lamellé-croisé (CLT) fabriqué par les Chantiers Chibougameau pour ses qualités architecturales ainsi que pour la grande polyvalence et la résistance qu’il offre. Le concept architectural misait sur une structure apparente épurée, libre de poutres apparentes. Les ingénieurs et ingénieures de Latéral ont donc innové en combinant les dalles et murs de bois CLT avec des poutres Peikko Deltabeam.  Généralement, ce type de poutres supporte des dalles de béton préfabriquées plutôt que du bois.

C’est là que l’équipe chargée de l’ingénierie a fait preuve d’inventivité en adaptant cette méthode de construction, afin de la jumeler avec du CLT. Un système de tiges encollées dans les murs en CLT a été mis au point en réalisant des connexions dissimulées résistantes au feu. Pour cela, il fallait trouver la colle appropriée, et déterminer la méthode de fixation des tiges, l’enfonce ment et les paramètres de mise en œuvre.

Essais-erreurs

À ce stade de conception, l’équipe d’ingénierie a travaillé en étroite collaboration avec Alexander Salenikovich, ingénieur et professeur au Département des sciences du bois et de la forêt à l’Université Laval et spécialiste en mécanique du bois, car il n’existait pas de recherche ou de précédents sur ce sujet. « Après avoir sélectionné la colle, nous avons fait des calculs pour estimer son comportement de façon théorique avant de passer aux essais en laboratoire pour vérifier nos hypothèses, raconte Thibaut Lefort, ing., fondateur et président de Latéral. Tout cela nous a permis de déterminer de quelle façon injecter la colle dans le bois, de choisir le type de tige, la longueur des tiges et leur espacement, et aussi de déterminer le temps nécessaire avant d’insérer les tiges dans le bois. »

En supportant les dalles de CLT sur des poutres Peikko Deltabeam, elles-mêmes connectées à des murs en CLT avec des tiges encollées, l’équipe de travail a obtenu un système constructif ayant une remarquable résistance au feu et pouvant franchir des portées impressionnantes. Visuellement, cela permettait de doter l’édifice de grands plafonds plats en bois structurel, sans poutres apparentes.

La combinaison de dalles en bois CLT et de poutres Peikko Deltabeam facilite également le passage de la mécanique dans le bâtiment. Ces poutres, qui ont la même épaisseur que les dalles de CLT, laissent la place sous la structure à tous les services, qu’il s’agisse de la ventilation, des gicleurs, de l’électricité, ce qui aurait été beaucoup plus difficile à réaliser dans des poutres en bois standard.

Au-delà du gain écologique que présente le recours à un matériau naturel et les qualités mécaniques du CLT, Thibaut Lefort souligne aussi son intérêt pour les chercheuses et chercheurs qui vont fréquenter un bâtiment aussi richement doté. « Des études réalisées dans les écoles démontrent que la productivité des élèves et leur capacité d’apprentissage sont plus élevées dans les établissements qui ont choisi de mettre le bois en valeur », explique le chargé de projet pour le pavillon de l’Institut quantique.

Cette réalisation d’importance a permis à Latéral de faire avancer les connaissances en ingénierie de gros bois d’œuvre. Déjà, elle a donné lieu à un article scientifique, tandis que la collaboration avec l’équipe du professeur Alexander Salenikovich se poursuit avec d’autres projets de recherche. Dans l’avenir, le cabinet de génie-conseil prévoit continuer à mettre en valeur le bois de façon innovante, au bénéfice de l’architecture.

En savoir plus : 

Voir aussi