Annie Lemieux, ing. : Jouer pour son équipe

Sports, voyages, travail ; voyages, travail, sports… Dans l’ordre et le désordre, cette triade d’activités définit bien la vie et la carrière d’Annie Lemieux, la présidente de la société de développement immobilier LSR GesDev, qui carbure au travail d’équipe.

Cet article s’inscrit dans la collection « Génie à la une ».
Par Pascale Guéricolas, photos : Israel Valencia, Chloé Dulude et Didier Bicep


 

Pour mieux comprendre comment cette fille d’entrepreneur immobilier en est venue à bâtir son modèle d’affaires, il faut remonter à son enfance, à Brossard. La petite Annie grandit aux côtés d’un père capable de faire sortir de terre des centaines d’unités locatives, en même temps qu’il étudie en génie civil. Cet artisan de sa propre réussite, qui visite ses chantiers de construction le dimanche avec ses enfants, fonde en 1969 LSR Construction avec l’aide de sa conjointe, Suzanne Lacoste. À la fin des années 1980, Serge Lemieux acquiert plus de 1 000 unités locatives à Houston, aux États-Unis, lui qui ne parle pas anglais…

Admirative de ce modèle paternel de persévérance, la jeune fille s’épanouit dans le sport. Elle noue ses premières amitiés sur le terrain de basket au primaire, puis poursuit sur sa lancée avec son équipe de volley-ball au secondaire, gagnant au passage ses premiers trophées sportifs. Au cégep, ce sera le hockey féminin; les liens forts qu’elle y tisse avec ses coéquipières subsistent encore aujourd’hui. « Pour moi, le sport d’équipe ressemble à un MBA en leadership, confie Annie Lemieux.  On utilise les forces de chacun, on crée des stratégies comme en affaires. On met à profit l’intelligence collective de chaque personne, en utilisant nos meilleurs éléments au bon moment ! »

Cette capacité à travailler en groupe, la jeune en génie civil, qui plus jeune rêvait de devenir étudiante commentatrice sportive, la met en application à l’École Polytechnique. Là, une bande d’étudiantes et d’étudiants s’entraident pour les travaux d’équipe en mathématiques, en physique, en informatique, jusqu’à l’obtention de leur diplôme. Le groupe de l’époque d’une quinzaine de jeunes constitue le noyau dur du réseau d’Annie Lemieux, 33 ans plus tard. C’est aussi à Polytechnique qu’elle rencontre celui qui deviendra son conjoint et le père de leurs deux enfants. L’amitié brille toujours au gré des rencontres et des voyages de ce groupe d’amis, qui n’hésitent pas à se transmettre des conseils professionnels.

Prendre son envol

Au sortir de ses études, voici la jeune diplômée au cabinet de génie-conseil CIMA+, se formant en développement des infrastructures. Cette expérience sera précieuse pour l’entreprise familiale quand son père la recrute à 25 ans et lui confie la construction du complexe résidentiel du Haut Saint-Lambert, un quartier de 200 habitations.

Consciente du défi de cette nouvelle carrière, la diplômée de Polytechnique entreprend alors un diplôme d’études supérieures en gestion et se forme en finances et en administration. Elle n’oublie pas les enseignements de sa carrière sportive, en misant sur les forces de l’équipe. Voilà pourquoi elle demande à sa grande amie Lucie Laliberté, également diplômée de Polytechnique, de l’accompagner dans cette nouvelle aventure. Devenue associée et vice-présidente – Développement et construction de LSR GesDev, cette alliée forme un duo gagnant avec Annie Lemieux, et fait de l’entreprise un partenaire majeur du marché résidentiel québécois.

Intuitive, Annie Lemieux sait sentir les tendances. Bien lui en prend en 2015 avec Arbora, dans Griffintown. Elle propose un complexe résidentiel plus grand et comportant du bois massif, alors que la concurrence opte pour de petites unités destinées aux professionnelles et professionnels attirés par ce quartier montréalais branché. Ces résidences raffinées séduisent une clientèle qui apprécie de plus en plus la liberté et les formules clés en main.

Pour Annie Lemieux, Arbora constitue une étape importante. Il s’agit de son premier projet à titre de présidente de LSR GesDev. Jusque-là, la fille de Serge Lemieux évoluait en collaboration avec son père; son décès à 68 ans a tout remis en question. « J’ai trouvé très difficile la période qui a suivi le départ de mon père, car il a fallu réorganiser l’entreprise avec mes frères. J’ai aussi dû reprendre confiance en moi et accepter de faire ma marque, tout en créant LSR GesDev dans la continuité familiale, en plus de prendre soin d’une jeune famille. »

 

« Pour moi, le sport d’équipe ressemble à un MBA en leadership. On met à profit l’intelligence collective de chaque personne, en utilisant nos meilleurs éléments au bon moment! »

— Annie Lemieux, ing. — LSR GesDev

 

Favoriser l’autonomie

Ébranlée par ce décès brutal, Annie Lemieux connaît désormais la fragilité de l’existence, elle dont le travail rythmait presque l’ensemble de ses journées. Son style de gestion reflète aujourd’hui cette évolution.  « J’encourage l’autonomie de notre équipe de direction et de nos directeurs et directrices en leur demandant de répondre de leurs actions, explique-t-elle. Je mise beaucoup sur la confiance, le leadership, la transparence. » Pour apprendre à chacun et chacune à s’apprivoiser, la gestionnaire multiplie les activités sociales au sein de son équipe : ski nautique sur le lac près de son chalet dans les Cantons-de-l’Est, cours de yoga, spectacles de musique, dîner à la cabane à sucre, tout est bon pour favoriser les rapprochements et créer un milieu de travail agréable.

Et ça marche ! Le personnel reste fidèle à l’entreprise, et des partenaires comme Ipso Facto ou le Fonds immobilier de solidarité FTQ bâtissent avec elle des projets prestigieux. Sa facilité à nouer des partenariats s’appuie en partie sur la rigueur que lui procure sa formation d’ingénieure. Annie Lemieux reconnaît cependant que le chemin des études n’a pas toujours été aisé. « J’ai trouvé certains cours difficiles et exigeants, indique-t-elle. Mon parcours s’est éclairci la dernière année, grâce à l’option gestion de projet, qui était plus en lien avec mes habiletés. »

Ce plaisir de bâtir des rêves, la gestionnaire l’éprouve encore aujourd’hui quand elle se trouve devant un terrain vacant. Là où il n’y a rien, elle imagine un type d’immeuble à construire pour mieux servir les besoins de la population et y laisser sa marque. Un de ses derniers-nés, NOVIA, comprend un complexe de 20 étages situé au cœur du nouveau Longueuil, à quelques pas de la station de métro. Ce projet de 160 millions de dollars se veut un milieu de vie urbain, mais aussi proche de la nature avec ses espaces végétaux. Les résidents et résidentes peuvent y cultiver leurs fines herbes en terrasse et profiter de la vue sur les montagnes de l’Estrie.

Pas juste un toit

« J’ai envie que nos locataires se sentent bien dans ce milieu paisible et chaleureux », confie Annie Lemieux.  À ses yeux, louer des appartements, ce n’est pas juste du matériel. L’entreprise sœur de LSR GesDev, Albert Immobilier, fournit des services de gestion personnalisés répondant aux besoins des résidents et résidentes de l’immeuble, tels que l’organisation de cours de yoga, d’aquaforme ou de Zumba; un concept développé au fil du temps pour mieux adhérer aux besoins du marché locatif haut de gamme.

Très engagée dans son entreprise, cette femme d’affaires est aussi philanthrope. Organiser une chorale de femmes d’affaires ou le Triathlon d’hiver pour la Fondation Sainte-Justine, ou rouler sur plusieurs kilomètres avec son équipe Les Canadiennes pour le Grand défi Pierre Lavoie, tout ça lui procure un grand bonheur, celui de se sentir utile.

Bien ancrée dans son époque, Annie Lemieux se préoccupe de certains phénomènes, comme le manque d’appartements disponibles. « Je souhaite que l’on protège le parc immobilier existant pour contrer la crise du logement, déclare-t-elle. Je m’intéresse à certains immeubles qui, une fois rénovés, deviendraient des logements sociaux ou abordables. Je crois que le gouvernement, les municipalités, les OSBL, les partenaires financiers et sociétés d’État devraient travailler ensemble et tirer parti de cette intelligence collective. »  Les appartements partagés, où plusieurs personnes vivent volontairement sous un même toit, l’intéressent également. Après tout, le mode de vie québécois voulant qu’une seule personne occupe une unité d’habitation a peut-être fait son temps. Et cette « fille de gang », selon ses propres termes, pourrait contribuer à offrir des logements plus adaptés au goût du jour.

Annie Lemieux, ing., répond à la question :

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la profession d’ingénieur, notamment en ce qui a trait à la place des ingénieures dans le domaine de la construction ?

 

En savoir plus : 

Voir aussi