, 6 septembre 2023

Chloé Pilon Vaillancourt : du rap dans le génie

Un pied dans la musique, un autre dans le génie physique, Chloé Pilon Vaillancourt, cultive ses deux passions sans fausse honte. Pour cette curieuse inlassable, c’est une façon de garder l’équilibre et de nourrir sa créativité.

Cet article s’inscrit dans la collection « Relève en génie ».

Par Pascale Guéricolas
Photos : Israel Valencia, Chloé Dulude et Didier Bicep


Pendant que d’autres brident leurs rêves pour se consacrer à un seul objectif, cette cette diplômée au baccalauréat en génie physique les vit plutôt de front. Autrement dit, Chloé Pilon Vaillancourt s’investit autant dans la physique quantique et la thermodynamique que dans la musique. Un choix fructueux pour cette rappeuse, connue sous le nom de Marie-Gold, qui a déjà produit deux albums et deux microalbums.

En 2018, le Gala alternatif de la musique indépendante salue sa contribution en accordant pour la première fois de son histoire un prix à une femme pour le meilleur « EP rap » ; Marie- Gold sera de nouveau récompensée en 2021. Et cela n’empêche pas l’étudiante d’obtenir son diplôme de Polytechnique Montréal en génie physique en 2022.

Heureuse aujourd’hui de jongler avec deux passions qui nourrissent sa curiosité insatiable, la jeune femme reconnaît qu’il lui a fallu du temps pour s’affi cher au grand jour comme artiste. « J’avais l’impression que, pour le milieu scientifique universitaire, ça avait l’air vulgaire de faire du rap, raconte la chanteuse. En fait, je me suis aperçue que les dirigeants de l’École connaissaient mes chansons, et valorisaient mon côté créatif. »

Pour mieux comprendre comment Chloé Pilon Vaillancourt parvient à faire rentrer deux carrières dans une même vie, il faut remonter à son enfance hyperactive. Quand, à l’âge de sept ans, elle combinait la lecture, le dessin, les concours d’art oratoire, les dictées, les activités parascolaires. Puis suivent les triathlons, les périples en vélo de plusieurs milliers de kilomètres, jusqu’à cet inoubliable voyage à vélo en Inde, en 2013.

 

« La musique m’a aidée à exprimer mon côté émotif durant des études qui sollicitaient beaucoup mon côté rationnel. J’arrive à la fin de ce cycle-là, et je souhaite, désormais faire des sciences jusqu’à la fin de ma vie. »

Chloé Pilon Vaillancourt 


L
e déclic des sciences

Méditation, yoga, séjours dans des fermes agroécologiques, la jeune femme se laisse porter par la vie et s’abreuve sans retenue à différentes sources de connaissances. C’est justement en jouant dans la terre qu’elle prend conscience de sa fascination pour le monde de la chimie. Cette expérience déterminante dans son cheminement intellectuel l’amène à s’inscrire à un certificat en écologie à l’Université du Québec à Montréal, à son retour à Montréal. Au moment où elle suit un cours d’initiation en physique nucléaire, elle assiste, émerveillée, à un court-métrage sur la matière noire diffusé au Planétarium de Montréal. Elle entame aussi des discussions avec des étudiantes et des étudiants en physique qui nourrissent son intérêt pour la façon dont les particules évoluent dans l’univers.

En 2016, l’horizon se précise. Après des cours préalables en biologie et en maths, Chloé Pilon Vaillancourt plonge dans le génie pour mettre son amour de la physique au service de son désir d’agir dans une société en pleine tourmente climatique. Oui, mais la musique dans tout ça? La réponse courte serait de relier Chloé à son père, Gaétan Pilon, propriétaire du fameux Studio Victor à Montréal où ont défilé Jean Leloup, Daniel Bélanger, Mara Tremblay, Catherine Durand. Pourtant, l’arrivée du rap dans sa vie a plutôt coïncidé avec l’envie de mieux connaître un milieu fréquenté par ses amis, et surtout avec le besoin d’exprimer ses sentiments et sa créativité, alors que ses études sollicitaient son côté cérébral.

Sa chanson « Beach Club » sur l’album Bienvenue à Baveuse City, sorti en février 2022, résume bien la propension des humains à conjuguer leurs divergences. Sur un rythme très dansant, la jeune rappeuse envoie quelques piques aux jeunes de sa génération. En proie à l’écoanxiété face à des changements climatiques qui les dépassent, plusieurs choisissent de se laisser aller à la surconsommation. « Mal à la tête comme à ma terre, jeter serviettes, bouteille à la mer sous le soleil, Bien j’y vois clair, si y’a plus rien à faire autant faire la fête », chante et danse Marie-Gold en concert sur les scènes des quatre coins du Québec.

Musique et études en génie, la combinaison gagnante

« La musique m’a aidée à exprimer mon côté émotif durant des études qui sollicitaient beaucoup mon côté rationnel, souligne la jeune femme. J’arrive à la fin de ce cycle-là, et je souhaite désormais faire des sciences jusqu’à la fin de ma vie. » Agir pour l’environnement avec des outils scientifiques apaise un peu son écoanxiété. En 2020, par exemple, la jeune stagiaire a contribué à dresser une carte des zones inondables pour le centre de recherche Takata au Mexique, là où la pollution s’en prend aux barrières de corail. On espère ainsi mieux protéger ce milieu fragile. En plus de son intérêt pour les changements climatiques, la jeune diplômée est également fascinée par la physique des particules et l’intelligence artificielle.

Très attirée par les énergies propres, Chloé Pilon Vaillancourt croit que les innovations responsables vont pouvoir répondre aux besoins de la société. À condition cependant que des règlementations adéquates encadrent l’activité humaine générant des gaz à effet de serre. Celle qui, pour mieux mener ses recherches, dispose d’un certificat en analyse des données avancées de Google ne voue pas pour autant un culte à la technologie. « Je trouve merveilleux qu’on puisse avoir recours à des innovations comme celles qui sont liées à la séquestration de carbone. Il faut cependant s’assurer dans le même temps qu’un consommateur ne puisse pas commander 15 paquets par jour livrables par Amazon. Sinon, à quoi ça sert? »

 

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