, 28 janvier 2023

Simon Lapointe, CPI : Influencer la vie des autres

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Étudiant à la maîtrise en bio-ingénierie, Simon Lapointe, CPI, vient de lancer EncephalX, une entreprise sur le point de commercialiser de nouvelles plaques de fixation crâniennes destinées aux victimes d’un traumatisme crânien.

Cet article s’inscrit dans la collection « Relève en génie ».

Par Pascale Guéricolas, photo : René Houle


Il arrive à Simon Lapointe, 26 ans, d’aborder des questions graves avec ses amis en fin de soirée. Il s’interroge notamment sur l’importance des actions de tout un chacun sur l’environnement, ou sur la façon dont la profession d’ingénieur peut servir la collectivité. Cet étudiant à la maîtrise en bio-ingénierie a pris conscience dès le début de ses études à l’Université de Sherbrooke de l’incidence du génie sur la société. « Chaque fois que nous commencions un projet, les professeurs nous demandaient : À quoi va-t-il servir, que va-t-il améliorer ? », se souvient le diplômé.

Il a fallu cependant que le jeune homme s’engage dans son cinquième stage en biogénie médical, à la fin de son baccalauréat en génie mécanique, pour qu’il découvre comment sa carrière pourrait véritablement avoir des retombées concrètes bénéfiques. À l’été 2019, le voilà recruté par une équipe de chirurgiens de l’Hôpital Fleurimont, à Sherbrooke, qui cherchent des solutions technologiques pour aider les personnes ayant subi une opération. Revêtu d’une combinaison bleue, il plonge dans l’univers de la salle d’opération, assistant aux interventions aux côtés du personnel soignant.

Soulager les personnes souffrantes

Le cœur bien accroché, le stagiaire s’intéresse aux personnes victimes d’un traumatisme crânien, première cause de mortalité chez les jeunes adultes en Amérique du Nord. Cette lésion nécessite souvent l’intervention du neurochirurgien Christian Iorio-Morin, professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Lors d’un traumatisme crânien, le choc peut faire enfler le cerveau dans la boîte crânienne. Or, pour laisser de l’espace au cerveau dilaté, il faut découper un volet osseux que l’on retire le temps que la pression diminue. Après plusieurs semaines, voire des mois, les patients et patientes devront subir une seconde opération, pour refermer la boîte crânienne avec ce même volet osseux, qu’on fixe avec des plaques de métal. Pendant cette période, la personne court des risques, puisque son cerveau est protégé uniquement par la peau.

En rencontrant les patients et patientes du neurochirurgien, Simon Lapointe prend la mesure des risques de complication et des souffrances qu’entraîne ce traitement. Décidés à les soulager, les deux hommes imaginent alors une nouvelle plaque de fermeture, qui permettrait d’éviter la deuxième intervention chirurgicale. Fabriquée en titane, un matériau fréquemment employé en chirurgie, cette plaque dynamique se fixe sur la boîte crânienne et s’adapte à l’enflure temporaire du cerveau de chaque personne. Ainsi équipés d’un Ribbit – un nom inspiré par la forme de cet appareil qui ressemble à une grenouille –, les malades voient leur convalescence et le risque de complications nettement diminués.

 

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Mon intérêt pour l’entrepreneuriat ne date pas d’hier. Il y a cinq ans, j’ai imaginé, avec une équipe d’étudiants du baccalauréat, un tissu pour faciliter le sommeil des personnes sinistrées ou des soldates et soldats déployés en urgence.

— Simon Lapointe, CPI — Université de Sherbrooke.

Très axé sur la formation pratique, le programme de premier cycle de l’Université de Sherbrooke lui donne l’occasion de programmer un véritable robot à l’Institut du véhicule innovant lors de son premier stage. Le défi : contrôler et faire naviguer un robot de désherbage. Vient ensuite une autre implication dans un groupe de recherche lié à la recherche et au développement pour le ministère de la Défense du Canada. Là, il doit de façon autonome programmer un véhicule pour qu’il suive des humains le guidant par des signes. « Le concept de donner vie à un robot m’intéresse particulièrement, précise Simon Chamorro, surtout la programmation. Dans les films de science-fiction, les gens surestiment l’intelligence des robots. Je ne partage pas cette vision. À mes yeux, ce sont surtout des outils pour accomplir moins de tâches monotones ou pénibles. Sans oublier que ce secteur crée aussi beaucoup d’emplois en ingénierie ou dans des domaines connexes. »

Mettre les bouchées doubles

Très enthousiaste pour cette invention pleine de potentiel, l’étudiant décide d’en faire son projet de recherche de deuxième cycle, tout en mettant sur pied en même temps une entreprise pour commercialiser ce dispositif. « C’est vrai que cela a retardé un peu l’avancement de ma maîtrise, reconnaît le fondateur d’EncephalX, mais cela me permet aussi d’avoir accès à des bourses et de réfléchir à d’autres projets en lien avec la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke.» Avec ses deux partenaires – Félix Dumais, responsable du volet technique, et le neurochirurgien Christian Iorio-Morin –, Simon Lapointe est déjà en période de recherche pour leur première ronde de financement importante. Pendant sa maîtrise, il a d’ailleurs suivi plusieurs cours à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke pour apprendre à démarcher des investisseurs et à naviguer dans le monde des affaires.

«Mon intérêt pour l’entrepreneuriat ne date pas d’hier, déclare Simon Lapointe. Il y a cinq ans, j’ai imaginé, avec une équipe d’étudiants du baccalauréat, un tissu pour faciliter le sommeil des personnes sinistrées ou des soldates et soldats déployés en urgence». Très investi dans ce projet, Simon Lapointe avait même déposé un brevet provisoire et pris contact avec des entreprises. Cette démarche illustre bien la volonté du jeune homme qui, enfant, imaginait son avenir comme inventeur. «Le fonctionnement des objets m’intriguait, mentionne ce curieux de nature. Vers huit ou dix ans, j’aimais bien défaire les autos téléguidées ou le mécanisme des petits pistolets qui projettent des balles en mousse.»

Améliorer la vie des personnes souffrantes

Tout naturellement, Simon Lapointe a donc opté pour le génie mécanique après l’obtention d’un DEC en sciences. Son projet de fin de bac, consacré à la construction d’une maison munie d’une toiture de polymère recyclé et isolée avec du papier recyclé très efficace sur le plan énergétique, l’a fait hésiter à se diriger vers un domaine lié à l’environnement. Finalement, son engagement dans EncephalX comble son désir d’améliorer la condition des personnes qui souffrent physiquement.

Entre sa maîtrise, le démarrage d’une entreprise, les tests pour vérifier l’efficacité d’un prototype qui pourrait se retrouver sur le marché dans un proche avenir, les journées de Simon Lapointe se déroulent à 100 kilomètres à l’heure. Sauf que le jeune entrepreneur prend soin de décrocher régulièrement pour ne pas succomber à la pression. Vélo, ski, soccer, volley, il mène plusieurs activités sportives de front, sans oublier les rencontres régulières avec ses amis. Conscient de la longueur du processus avant que les plaques dynamiques Ribbit ne deviennent une réalité pour les personnes atteintes d’un traumatisme crânien, il mise sur l’équilibre pour atteindre son but, avoir une influence positive sur la vie des autres.

 


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