, 3 mai 2022

Gestion des contrats : concevoir ensemble et plus tôt

Gestion
La Société québécoise des infrastructures (SQI) a instauré le processus de conception intégrée (PCI) dans tous ses projets de plus de 5 millions de dollars. Un encouragement pour les firmes de génie à adopter également le PCI.

Cet article s’inscrit dans le dossier « Gestion des contrats ».
Par Valérie Levée


Dans la cascade du mode de réalisation traditionnel qui va du donneur d’ouvrage à l’entrepreneur, chacun tend à travailler en vase clos. Pour contrer cette tendance, le PCI propose d’instaurer la collaboration entre les parties prenantes dès les premières phases d’un projet. «La complexité des projets a perturbé le flux de collaboration. On a voulu remettre de l’huile dans les engrenages, et cette huile, c’est le PCI », commente Guy Paquin, ing., directeur général à la Direction générale des stratégies et des projets spéciaux à la SQI. S’appuyant sur la courbe de MacLeamy, qui exprime l’intensité des efforts au cours d’un projet, il explique que le principe du PCI est de déplacer les efforts dans les phases initiales d’un projet.

«Dans le mode de réalisation traditionnel, on met le maximum d’efforts dans la phase de préparation des plans et devis, indique-t-il. C’est plutôt au cours de la phase de définition de la vision qu’il faut le faire.» De son côté, Kateri Normandeau, ing., vice-présidente, Environnement et gestion de projet chez gbi, précise que «le PCI fait appel à de l’investissement en avant-projet, et le bénéfice de cet investissement se verra dans la rapidité de l’exécution et la qualité du projet». Concrètement, le PCI déplace donc les efforts en début de projet sous forme d’ateliers réunissant toutes les parties prenantes du projet : le maître d’ouvrage, les ingénieurs et ingénieures, les architectes, l’entrepreneur et les utilisateurs et utilisatrices. Une vision se bâtit de façon interdisciplinaire avec l’expertise de toutes les parties pour réaliser un projet qui répond aux besoins des utilisateurs et utilisatrices. Cette vision peut s’inscrire dans une perspective de développement durable et orienter les choix technologiques de manière agile et concertée. «Chez gbi, ajoute Kateri Normandeau, on est emballés par ce processus qui reconnaît la valeur du service rendu par les professionnels et qui rémunère la qualité. Quand on considère le point de vue de l’autre, ce n’est plus une relation d’affaires mais une collaboration».

Gestion des contrats Kateri Normandeau GBI

Le PCI fait appel à de l’investissement en avant-projet, et le bénéfice de cet investissement se verra dans la rapidité de l’exécution et la qualité du projet.

— Kateri Normandeau, ing.- GBI

Un nouveau rôle clé : celui de facilitateur ou facilitatrice

Les ateliers collaboratifs sont au cœur du PCI. Ils sont mis en place par un comité de pilotage qui comporte le client, des personnes représentant les parties prenantes et un facilitateur ou une facilitatrice. La SQI a constitué une équipe de 35 facilitateurs et facilitatrices venant de firmes externes de divers horizons. Leur rôle est d’appuyer le ou la chef de projet pour préparer le contenu des ateliers, de faciliter la discussion, de faire émerger les idées et les solutions. «En début d’atelier, le facilitateur ou la facilitatrice doit mettre tout le monde à l’aise; à la fin de l’atelier, il faut une conclusion, résume l’ingénieur Guy Paquin. Entre les deux, il y a une zone d’ébullition au cours de laquelle on échange des idées, qui sont parfois divergentes. Les facilitateurs et facilitatrices doivent faire émerger une convergence de cette divergence.» Kateri Normandeau abonde dans le même sens : «Dans les ateliers, il faut respecter un processus d’écoute et d’analyse de la valeur. C’est vraiment important de considérer toutes les idées.»

La modélisation des données du bâtiment : essentielle au PCI

À la SQI, le PCI va de pair avec la modélisation des données du bâtiment (MDB) [en anglais Building Information Modeling (BIM)], qui n’est pas seulement un outil de visualisation 3D des maquettes, mais aussi un outil de gestion du flux de données et de partage de l’information. «La MDB est souvent utilisée, mais d’autres plateformes de collaboration sont possibles. Le choix doit être fait au début pour que tout le monde utilise les mêmes outils, mentionne Kateri Normandeau. Pour certains projets très simples, par exemple, un outil de collaboration en visioconférence comme TEAMS peut être sélectionné. Toutefois, pour un mandat complexe, il y a de nombreux bénéfices à implanter le BIM.» Dès le début, la MDB permet de consolider et organiser sur une même plateforme les besoins du projet; les maquettes 3D viennent s’y attacher en cours de conception et sont mises à jour tout au long du projet. «S’il y a une décision de changement en chantier, la maquette est modifiée de façon dynamique, alors que dans le mode traditionnel, l’entrepreneur annote ses plans, les remet à l’ingénieur ou l’ingénieure, qui archive la modification. Mais c’est statique», dit Kateri Normandeau.

Gestion des contrats Guy Paquin SQI

En mode traditionnel, les données sont saisies en moyenne sept fois, et elles perdent chaque fois en fiabilité. Or, il faut des données fiables pour prendre des décisions.

— Guy Paquin, ing. — SQI

Un nouveau mode contractuel de pair avec le PCI

Au chantier, la gestion collaborative facilite les échanges de renseignements, ce qui se traduit par une réduction de 50 à 90% des demandes d’information de la part des entrepreneurs. Elle permet aussi de visualiser les défauts de collaboration quand des demandes restent sans réponses. Et elle améliore aussi la fiabilité des données, car «en mode traditionnel, les données sont saisies en moyenne sept fois, et elles perdent chaque fois en fiabilité. Or, il faut des données fiables pour prendre des décisions», souligne Guy Paquin. Pour maximiser le potentiel de ce processus collaboratif PCI et répondre aux exigences actuelles du marché, la SQI développe actuellement un nouveau mode contractuel appelé «Conception Construction Progressif», inspiré du Progressif Design Built déjà appliqué dans d’autres provinces au Canada, notamment en Ontario et en Colombie-Britannique. Un premier projet sera entrepris à la SQI selon ce mode et un appel de qualification sera lancé au cours des prochains mois. Ce mode Conception Construction Progressif est une innovation au Québec. Il constitue un pas vers la réalisation de projet intégrée (RPI), dans laquelle l’entrepreneur, les professionnels et le client sont unis dans un même contrat. La RPI est le summum du contrat collaboratif» selon Guy Paquin.

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