6 septembre 2023

CCTT et universités : partenaires et sources d’innovations

Les entreprises naissent et avancent à coups d’innovations et peuvent en cela bénéficier du soutien des centres collégiaux de transfert de technologies et de pratiques sociales (CCTT) dans une dynamique distincte de celle qu’offrent les universités.

Cet article s’inscrit dans la collection « Dossier Innovations technologiques ».
Par Valérie Levée


CCTT Expertises et équipements de pointe pour les entreprises

Robotique, foresterie, métallurgie, énergie, biotechnologie… Ce ne sont que quelques-unes des spécialités des 59 centres collégiaux de transfert de technologies et de pratiques sociales (CCTT) du réseau des CCTT – Synchronex. Les CCTT sont partout au Québec, et leur mission est d’accompagner l’innovation des entreprises et des organisations.

Affiliés aux cégeps et collèges, les CCTT sont créés à l’initiative de ces établissements d’enseignement, chacun dans un domaine d’expertise particulier. Si 48 de ces CCTT se consacrent à des disciplines technologiques, 11 se spécialisent dans les pratiques sociales novatrices, ouvrant ainsi la porte à l’innovation sociale. Au fil de leur développement, les CCTT recrutent du personnel pour former des équipes de recherche complètes et acquièrent des équipements de pointe. « Nos centres sont propriétaires de parcs d’équipements qui n’ont souvent rien à envier à ceux des laboratoires universitaires », estime Michel Lesage, président-directeur général par intérim du réseau des CCTT – Synchronex. Professeur à la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke, François Michaud, ing., le confirme en donnant l’exemple de Productique Québec, le CCTT affilié au Cégep de Sherbrooke : « L’infrastructure de Productique Québec comporte une mini-usine robotisée dotée d’un convoyeur et de différents robots industriels. Pour le programme de génie robotique, nous n’avions pas d’infrastructure du genre. Au lieu de financer une infrastructure similaire, nous avons décidé de travailler avec Productique Québec pour exploiter cette ligne de production dans la formation des ingénieurs et ingénieures en robotique ».

Au total, une force de 2 400 expertes et experts composée de personnel technique et administratif, des spécialistes, des chercheurs et chercheuses est à l’oeuvre dans le réseau des CCTT – Synchronex pour offrir ses services et répondre aux besoins d’innovation des entreprises, ainsi qu’à ceux des organisations publiques et parapubliques.

« La clientèle type de nos centres est la petite et moyenne entreprise, des entreprises qui n’ont pas à l’interne la capacité de structurer une unité de recherche et développement pour monter des projets de recherche et les réaliser, indique Michel Lesage. La plupart des projets sont réalisés à la demande de besoins exprimés par des organisations. Les CCTT n’accomplissent quasiment jamais de mandat de recherche propre, indépendant et autonome suscité par un chercheur. »

Pour répondre sur mesure aux besoins des clients, les CCTT ont une offre de services flexible qui inclut aide technique, recherche appliquée, diffusion d’information et formation pour assurer chez le client la transmission de la technologie mise au point. Il peut s’agir d’améliorer ou de mettre à l’échelle un procédé de fabrication, d’élaborer une preuve de concept, de concevoir un prototype…

Il arrive qu’un client fasse appel à quelques CCTT pour résoudre différents problèmes techniques d’un même projet, tout comme plusieurs mandats successifs avec un même CCTT sont parfois nécessaires pour mener un projet à maturité. Mais pour assurer le succès d’un projet, prévient Michel Lesage, « il faut un client compétent, et qui dit compétence en recherche et innovation dit souvent personne exerçant l’ingénierie. Ça prend un paratonnerre capable de capter l’éclair de génie et de l’intégrer dans l’entreprise. Il faut un individu qui peut interagir avec le CCTT, bâtir le projet, assurer la participation de l’entreprise, guider le CCTT pour s’assurer qu’on répond adéquatement aux besoins de l’entreprise, et qui soit ensuite capable d’utiliser les résultats de la recherche ».

Au-delà des projets menés sur une base individuelle par les CCTT, Synchronex s’est engagé dans une mission de plus grande envergure dont l’objectif est de répondre aux grands enjeux sociétaux, par exemple la transformation numérique. Pour accompagner techniquement et soutenir financièrement les entreprises dans leur virage numérique, Synchronex a mis en place le programme Mon succès numérique, soutenu par l’Escouade numérique formée de 14 CCTT. Le programme répond avec agilité aux besoins du client pour l’orienter vers le CCTT idoine et démarrer le projet en moins d’une semaine, en plus de couvrir jusqu’à 75 % des frais.

 

La clientèle type de nos centres est constituée de PME, des entreprises qui n’ont pas à l’interne la capacité de structurer une unité de R-D pour monter des projets de recherche et les réaliser. 

Michel Lesage — CCTT – Synchronex

 

Trois preuves par l’exemple

Cascades et Kemitek

Cascade est connue pour sa vision en économie circulaire, et sa divi-sion de recherche Cascade CS+ veut valoriser ses résidus de pro-duction. Par traitement avec un solvant inflammable, elle a obtenu un bioproduit qui pourra être réuti-lisé ultérieurement comme additif. Mais pour cela, il faut passer de l’échelle du laboratoire à l’échelle pilote, puis industrielle. Or Cascade CS+ n’est pas équipée pour faire une mise à l’échelle d’un procédé chimique impliquant un produit inflammable. Elle a donc fait appel à Kemitek, qui dispose d’installa-tions antidéflagration. « Quand on utilise de petits volumes de sol-vants inflammables en laboratoire, les risques sont minimes, précise François Marquis, ing., directeur ingénierie chez Kemitek. À grande échelle, les risques augmentent. Chez Kemitek, on a l’équipement, l’expertise et la classification pour manipuler ces produits de façon sécuritaire à ces échelles. »

Dans un premier mandat, Kemitek a étudié et optimisé la réaction chimique. Le résidu est en solution aqueuse et sous l’effet du solvant et de l’agitation, il précipite et forme des particules. Il s’agit ensuite de filtrer les particules. L’objectif était de déterminer les conditions de la réaction pour optimiser la taille des particules, et donc la filtration. Après avoir effectué les opérations requises à l’échelle du laboratoire, le procédé a été validé à l’échelle pilote. Kemitek a par la suite effectué un deuxième mandat visant à produire une analyse technique et écono-mique de l’implantation du procédé chez Cascades.

Quand on utilise de petits volumes de solvants inflammables en laboratoire, les risques sont minimes. Chez Kemitek, on a l’équipement, l’expertise et la classification pour manipuler ces produits de façon sécuritaire à ces échelles.

François Marquis, ing. — Kemitek

Optis Engineering et le CTA

Dans les mines, des ventilateurs aèrent les galeries et chassent les poussières. Leurs pales en alumi-nium ne résistent que quelques mois à la corrosion, à l’abrasion et à l’érosion dues aux particules qui les frappent de plein fouet. Pour rem-placer les produits en métal, Optis Engineering s’est tournée vers l’ex-pertise en matériaux composites du Centre technologique en aéro-spatiale (CTA). En effet, à travers ses projets sur les aéronefs, les drones, les taxis aériens, la motorisation hybride des avions, le CTA consacre un pan de recherche aux matériaux composites utilisés en aéronau-tique. « Avec l’expertise de nos cher-cheurs et notre parc d’équipements, nous pouvons tester plusieurs com-binaisons de matériaux, comparer les procédés de fabrication et tester la résistance », mentionne François LeBel, ing., directeur Technologie et innovation et chef du secteur Composites et matériaux avancés au CTA.

Le CTA a fabriqué des échantillons sous forme de plaques en com-posites constitués de matrices polymères renforcées de fibres de verre. Ces dernières étaient jointes par des adhésifs. Ces assemblages collés étaient ensuite soumis à des tests en cisaillement avant et après une période de vieillissement pré-établie en environnement minier. « L’érosion attaque essentiellement la matrice, et les tests en cisaille-ment des assemblages sont un bon indicateur de la performance des adhésifs », explique François LeBel. Il fallait obtenir des matériaux plus résistants que l’aluminium et à un coût de fabrication compétitif. Le CTA a finalement fourni à Optis Engineering une sélection de maté-riaux, et décrit leurs avantages et inconvénients ainsi que les procé-dés de fabrication.

Pépinière Saint-Modeste et Optech

Optech est spécialisée en optique photonique et dispose d’un parc d’équipement pour prendre toutes sortes de mesures relatives à l’éclairement pour des applications dans les domaines des arts de la scène, des télécommunications, des technologies biomédicales…

C’est pour son expertise en agro-photonique que Pépinière Saint-Modeste a requis les services d’Op-tech. Dans le cadre d’un mandat de service technique, Optech a réalisé la cartographie de l’éclairement de la serre et recommandé les options de luminaires répondant aux besoins des pépiniéristes. Dans les serres, de nouvelles lampes au sodium ont été installées, tandis que sur les chariots de croissance, l’éclairage a été optimisé par des lampes DEL. « Les DEL nous offrent des solutions pour trouver la recette lumineuse en fonction du type de plantes, de ses besoins selon son stade de croissance et de ce qu’on veut lui faire produire », souligne Martin Langlois, ing., chargé de projet chez Optech.

Depuis peu, les DEL sont aussi offertes dans les longueurs d’ondes des UV-C utilisées dans les pro-cessus de désinfection. Leur avantage par rapport aux tubes fluorescents est de permettre des allumages ponctuels. Dans une étude de concept réalisée pour RP Innovation, Martin Langlois a conçu une chambre de désinfection pour la volaille. En fonction des patho-gènes ciblés et du niveau de désin-fection souhaité, il a déterminé l’emplacement de l’éclairage et la dose de rayonnement à appliquer pour désinfecter les poulets.

Sur le même principe, mais pour Technologies GRB, il a fait la conception du LIBU, un bouton d’ascenseur autodésinfectant : le bouton pivote sur lui-même et se fait désinfecter en arrière pour que les personnes ne soient pas expo-sées aux UV-C.

Avec l’expertise de nos chercheurs et notre parc d’équipements, nous pouvons tester plusieurs combinaisons de matériaux, comparer les procédés de fabrication et tester la résistance.

François LeBel, ing. —  Centre technologique en aérospatiale

Les DEL nous offrent des solutions pour trouver la recette lumineuse en fonction du type de plantes, de ses besoins selon son stade de croissance et de ce qu’on veut lui faire produire.

Martin Langlois, ing. — Optech

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