, 3 mai 2022

Félix Lapointe, CPI : sur la vague du hors-piste

Portrait
À peine diplômé en génie mécanique, Félix Lapointe, CPI, codirige déjà une entreprise qui produit des skis innovants, avec deux confrères rencontrés à l’Université Laval.

Cet article s’inscrit dans la collection « Relève en génie ».

Par Pascale Guéricolas, photo : Ferreol


La date du 19 décembre 2019 reste gravée à tout jamais dans la mémoire de Félix Lapointe. Ce jour-là, cet étudiant au bac en génie mécanique à l’Université Laval et ses deux associés mettent en vente 26 paires de skis Pionniers 104 chez Ski Michel, à Saint-Anne-de-Beaupré, non loin du mont Saint-Anne. Des skis conçus et fabriqués dans leur propre entreprise, Ferreol. Un mois plus tard, il ne reste plus rien. Pas mal pour trois jeunes dans la vingtaine, propulsés dans le créneau du ski hors-piste seulement quelques années auparavant… Petit retour en arrière, en 2018. Après une journée à travailler ferme sur un projet d’études, Félix et Jonathan discutent de leurs projets d’avenir. Jonathan Audet, CPI, parle de sa passion pour la descente acrobatique, lui le champion québécois de cette discipline en 2014. Son confrère de classe partage ses envies d’entrepreneuriat. Chemin faisant, l’idée d’offrir un ski mieux adapté aux conditions de glisse et au climat de l’est de l’Amérique du Nord jaillit. «Je me suis rendu compte qu’on avait des forces complémentaires pour démarrer une entreprise, raconte le jeune diplômé. En rentrant chez moi, j’ai écrit d’un jet le plan d’affaires abrégé de ce qui allait devenir Ferreol.»

Rapidement, le duo s’élargit et recrute Étienne Boucher. Ce «patenteux» assumé en génie mécanique dispose déjà de sa propre presse à skis, et son garage va devenir le laboratoire d’une jeune pousse. En construisant eux-mêmes leur fraiseuse CNC numérique, les trois créateurs imaginent un ski polyvalent, capable de s’adapter à des conditions de neige aussi bien mouillée que poudreuse ou glacée; un ski maniable dans des sous-bois aux virages plus serrés et convenant également aux larges pentes ouvertes des Alpes.

Nous avons quand même décidé d’aller de l’avant. Nos mises de fonds personnelles et les bourses récoltées dans différents concours nous ont permis de régler les fournisseurs.

Félix Lapointe, CPI. — Ferreol

Passer de la théorie à la pratique

Ces travaux pratiques appliqués à de véritables problèmes de génie motivent Félix Lapointe, ancien médaillé de bronze aux championnats canadiens de cyclisme sur route, à s’investir encore davantage dans ses cours. Brusquement, les notions théoriques d’ingénierie prennent tout leur sens. Le jeune étudiant retrouve le plaisir qu’il éprouvait adolescent à imaginer un remonte-pente maison, composé notamment d’un moteur de souffleuse à neige. Avec Jonathan Audet, il opte pour un profil entrepreneurial, complémentaire à leur formation en génie mécanique. Tous deux se familiarisent alors avec la comptabilité, le marketing, les études de marché. Entreprenariat Laval, un organisme qui aide les étudiants-entrepreneurs et étudiantes-entrepreneures à démarrer leur projet, leur donne accès à une série de bourses et de formations, sans parler du service-conseil. Début 2020, tout semble sourire au trio de Ferreol, qui songe déjà à sa prochaine saison. À la mi-mars, les trois partenaires doivent passer des commandes de plusieurs dizaines de milliers de dollars pour offrir de nouveaux modèles à leur clientèle. Sauf que, brusquement, l’économie mondiale ralentit, pour cause de pandémie. «Nous avons quand même décidé d’aller de l’avant, indique Félix Lapointe. Nos mises de fonds personnelles et les bourses récoltées dans différents concours nous ont permis de régler les fournisseurs.» Bien leur en prit. Quelques mois plus tard, les adeptes de ski alpin, frustrés par les restrictions sanitaires en stations, se ruent vers le hors-piste, qui connaît une augmentation de 170% en 2021. Tout en poursuivant ses études, Félix Lapointe, devenu directeur administratif de Ferreol, contribue à la mise en marché de nouvelles séries de skis qui permettent notamment de profiter des bosses, des sous-bois et des parcs à neige. De nouveaux points de vente s’ajoutent en Gaspésie, dans les Laurentides, au Saguenay, et l’entreprise possède un local bien à elle dans le Parc industriel de Beaupré. Luxe suprême, les pentes du mont Saint-Anne sont visibles depuis la mezzanine.

L’histoire pourrait s’arrêter là, ils vendirent beaucoup de skis et furent très heureux. Sauf que cette aventure a éveillé Félix Lapointe au monde des affaires. Au point qu’il suit actuellement un MBA à temps partiel pour approfondir ses connaissances et faire de Ferreol une entreprise pionnière en matière de ski durable. Comment? En commercialisant des skis sans fibre synthétique et en s’associant avec un centre de recherche de l’Université de Sherbrooke pour développer des technologies encore plus performantes et écoresponsables. La jeune entreprise collabore aussi avec la Fédération québécoise de montagne et d’escalade pour inciter les adeptes de la glisse à respecter le milieu naturel et à ne pas laisser de trace de leur passage. Pas de doute, pour Félix Lapointe, le génie doit se mettre au diapason d’une innovation au service de l’environnement et de la société, et pas seulement de l’entreprise.

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