14 février 2008

Infrastructures publiques : notre argent sera-t-il bien dépensé ? Par Zaki Ghavitian, ing., président de l’Ordre des ingénieurs du Québec

Montréal, le 14/02/2008 - L'annonce récente par le gouvernement de travaux routiers de quelque 12 milliards de dollars d'ici 2012, dont 3 milliards dès cette année, est une excellente nouvelle en soi. Cela dénote une volonté manifeste d'investir les ressources nécessaires pour remettre à niveau nos infrastructures publiques. Les milliards avancés ne doivent cependant pas nous faire perdre de vue une réalité incontournable : l'argent n'est qu'une partie de la solution. Il est tout aussi important de s'assurer que cet argent soit dépensé à bon escient, dans une optique de qualité et de sécurité à long terme, en conformité avec les principes du développement durable.

Avec la Commission d’enquête sur le viaduc de la Concorde (CEVC), le Québec s’est donné les moyens de tirer les enseignements d’une catastrophe qui n’aurait jamais dû se produire. Dans son mémoire à la Commission, l’Ordre des ingénieurs du Québec a particulièrement insisté sur la nécessité d’une gestion à long terme des infrastructures. L’excellent rapport de la CEVC donne suite à la plupart des recommandations de l’Ordre pour les structures routières. Dès le lendemain du dépôt du rapport, la ministre des Transports affirmait que son ministère allait se conformer aux recommandations de la Commission et annonçait la création de l’Agence de gestion des infrastructures routières.
Parmi ses recommandations, l’Ordre a également suggéré que tous les gestionnaires d’infrastructures publiques, ministères et municipalités, aient l’obligation d’établir des plans d’intervention à long terme pour les infrastructures dont ils ont la responsabilité.
Pour être efficaces, ces plans d’intervention doivent être accompagnés de programmes d’investissements décennaux, destinés à assurer une sécurité sans faille et un bon niveau de service à long terme, à un coût minimal pour la société. Ces programmes doivent être soumis à une autorité indépendante chargée de les approuver. L’équivalent en quelque sorte d’un programme de traitement et de soins établi par un médecin, sur la base d’un diagnostic et d’un dossier médical complet. À la différence qu’aucune personne sensée n’aurait laissé sa santé se détériorer à ce point-là.
L’Ordre a formulé d’autres recommandations concernant les ressources techniques et professionnelles, la conduite des marchés et, plus particulièrement, la surveillance des travaux d’ingénierie. Actuellement, rien n’oblige un donneur d’ouvrage à recourir aux services d’un ingénieur pour s’assurer qu’un ouvrage est construit conformément aux plans et devis de conception. Pour l’Ordre, il s’agit d’une anomalie à laquelle il importe de mettre fin.
C’était en octobre 2007. Depuis, le gouvernement a annoncé un ambitieux programme d’investissements. Par contre, aucune mesure concrète n’a encore été annoncée pour s’assurer que cet argent va être bien dépensé. Le projet de loi prévoyant la création de l’Agence des structures routières et, surtout, la mise en place de véritables mesures de gestion, n’a pas été adopté au terme de la dernière session parlementaire.
Par ailleurs, au-delà des structures routières qui reçoivent enfin l’attention nécessaire, les mesures de gestion et de qualité préconisées par l’Ordre doivent également prévaloir pour les routes de toutes tailles, incluant les structures et les chaussées municipales, ainsi que pour les autres infrastructures publiques, notamment les réseaux municipaux d’eau potable et d’égout. Rien de concret n’a encore été annoncé à ce sujet.
Si l’argent y est, il manque encore un élément essentiel : les outils et les règles que l’on doit se donner, en tant que société, pour s’assurer que cet argent soit bien dépensé. C’est à la fois une question de sécurité, de protection et d’intérêt du public : il est urgent d’agir, avant que les chantiers ne surgissent.
À propos de l’Ordre des ingénieurs du Québec
Fondé en 1920, l’Ordre des ingénieurs du Québec regroupe plus de 60 000 professionnels du génie de toutes les disciplines, à l’exception du génie forestier.
Mission
L’Ordre a comme mission d’assurer la protection du public en contrôlant l’exercice de la profession dans le cadre de lois constitutives de l’Ordre et de mettre la profession au service de l’intérêt du public.