, 1 mars 2022

Femmes en génie : par ici le guide!

Produit par l’Ordre, un tout nouveau guide portant sur le travail des ingénieures vient de voir le jour. Son objectif : aider les employeurs à créer des milieux de travail plus inclusifs et plus équitables.

Cet article s’inscrit dans la collection « Diversité du génie ».

Par Pascale Guéricolas


Tout a commencé par un sondage commandé par l’Ordre dans la foulée du mouvement MeToo. Il s’agissait de vérifier si les ingénieures vivaient de la discrimination au travail. «J’étais déçue en lisant les résultats, se souvient la présidente Kathy Baig, ing. Jamais je n’aurais pensé que 45% des ingénieures avaient déjà  ubi de la discrimination en raison de leur genre au cours de leur carrière, contre 15 % des femmes dans la population générale. Voilà pourquoi nous avons décidé à l’Ordre de nous attaquer à ce dossier, et de proposer aux employeurs un guide pour comprendre le phénomène et proposer des pistes d’action. Nous voulions également attirer la relève féminine, notre objectif, c’est de porter à 30 % le taux de nouvelles ingénieures au Québec et dans le reste du pays d’ici 2030, comme l’a proposé Ingénieurs Canada. Pour y arriver, nous avons mis sur pied des programmes visant à promouvoir le génie auprès des jeunes filles.»

Afin d’assurer la pérennité de ces efforts sur le marché du travail, les entreprises disposent désormais d’un outil supplémentaire, Femmes en génie : Guide de l’employeur pour un milieu de travail plus diversifié, inclusif et équitable. La première partie de ce document, tout juste produit, trace d’abord un tableau de la situation. Les ingénieures forment 15% des effectifs des membres de l’Ordre, ce qui fait du génie une des professions du Québec où les femmes sont le moins représentées. Heureusement, cette proportion est appelée à augmenter au fil du temps, puisqu’elles représentent actuellement 20 % des personnes candidates à la profession d’ingénieur.

Lorsqu’elles se trouvent dans un milieu majoritairement masculin, les ingénieures se heurtent parfois à des barrières invisibles. Les biais inconscients figurent notamment parmi ces obstacles. «Dans beaucoup d’entreprises, une majorité d’hommes composent la direction, souligne la présidente de l’Ordre. Tout naturellement, ils ont tendance à embaucher des gens qui leur ressemblent, en recherchant un type de profil qui a bien fonctionné par le passé. En plus, les femmes ont souvent tendance à vouloir disposer de 110% des compétences avant de proposer leur candidature, ce qui peut nuire à leur avancement.»

« Les jeunes générations font maintenant pression pour que les valeurs de diversité et d’inclusion soient présentes dans les milieux de travail.» — Kathy Baig, ing., MBA, ASC, DHC — Ordre des ingénieurs du Québec

S’ajoutent aussi le manque de modèles féminins et la question de la conciliation travail-famille. Des études canadiennes montrent clairement que les soins aux enfants et la charge des tâches ménagères incombent toujours davantage aux femmes. Rien d’étonnant dans ces conditions que deux fois plus d’ingénieures que leurs collègues masculins, soit 58 % contre 28 %, considèrent que la conciliation travail-famille constitue un frein à leur progression professionnelle.

Attirer les meilleurs talents

«Les employeurs ont tout intérêt à attirer les meilleurs talents, alors qu’on fait face à une rareté, voire une pénurie de main-d’œuvre, indique Kathy Baig. Assurer le bienêtre au travail devient de plus en plus important. Et les jeunes générations font maintenant pression pour que les valeurs de diversité et d’inclusion soient présentes dans les milieux de travail.» Sans compter que des équipes hétérogènes sont plus susceptibles de proposer un plus grand nombre de solutions, et donc de trouver la meilleure pour résoudre les problèmes.

Pour faire une plus grande part aux femmes, le Guide propose aux employeurs de mettre en place un plan d’action. Cette feuille de route suggère d’abord de se pencher sur la propre réalité de leur entreprise et de dresser un état des lieux. Comment? En analysant, par exemple, le taux de roulement du personnel selon le genre, le cheminement professionnel, la représentation des femmes aux différents échelons et la proportion de candidatures féminines lorsqu’un poste s’ouvre.

Une fois la situation connue, l’entreprise peut ensuite établir des objectifs, des cibles et des indicateurs afin de mettre en place des mesures pour progresser de manière durable.

Puisqu’il n’existe pas de solution universelle aux défis de la diversité, l’Ordre ne fournit pas aux employeurs de recette unique de mesures à mettre en place. Le Guide présente plutôt un éventail d’exemples de pratiques susceptibles de les inspirer selon leurs besoins et leur contexte particulier.

Parmi la panoplie de mesures mentionnées figurent notamment les attentions portées au recrutement. Il peut s’agir, notamment, d’adopter un vocabulaire inclusif et non stéréotypé, et de définir les exigences du poste selon les besoins réels, au lieu de se fier strictement au profil de la personne qui détenait ce poste précédemment.

Sensibiliser les gestionnaires aux biais inconscients qui peuvent les influencer lors de l’évaluation favorise aussi une progression plus équitable au sein de l’entreprise. Il arrive souvent en effet que les femmes s’auto-excluent de possibilités de promotions en minimisant leur performance.

La parité, bientôt un acquis?

Toutes ces dispositions varient bien évidemment selon la situation de chaque entreprise et des objectifs qu’elle se fixe en matière d’équité et d’ouverture à la diversité. En tant qu’employeur, l’Ordre a d’ailleurs lui-même mis en place sa propre démarche pour faire l’examen de ses pratiques en matière d’équité, de diversité et d’inclusion. Un plan d’action est en préparation pour soutenir une culture d’entreprise en ce sens.

Kathy Baig, qui donne beaucoup de conférences chaque année sur la place des femmes en génie, espère cependant que la progression des effectifs féminins dans les différents domaines sera bientôt un acquis. «J’aimerais que cette question soit réglée lorsque ma fille, qui a 11 ans actuellement, choisira une carrière,
explique-t-elle. Il faut avoir le courage de faire avancer les choses, car une plus grande diversité et une plus grande inclusion sont bénéfiques à tout un chacun.»

Optimiste quant à la capacité des employeurs de prendre les moyens nécessaires pour corriger les discriminations actuelles, la présidente de l’Ordre se réjouit d’une donnée relative au bonheur au travail révélée par les réponses à une question du sondage : malgré les difficultés qu’elles rencontrent sur leur chemin, 9 ingénieures sur 10 recommandent quand même cette profession à leurs enfants. La preuve que le génie a toutes les qualités nécessaires pour se féminiser davantage.


Adfast et les principes d’équité

Pour plusieurs entreprises, l’intérêt porté à une plus grande diversité au sein du personnel fait déjà partie de leur vie quotidienne. C’est le cas d’Adfast, une PME spécialisée dans la fabrication de matériel d’étanchéité, de calfeutrage et d’isolation. Parmi l’équipe d’ingénieures et d’ingénieurs travaillant chez ce fabricant de Montréal, cinq postes sur huit sont occupés par des femmes.

À ma place

Diplômée en génie biotechnologique de l’Université de Sherbrooke, Marie-Odile Touchette, ing., a commencé à travailler à Adfast peu de temps après la fin de ses études. Au bout de six mois seulement, la direction lui proposait de superviser l’équipe de production. Elle est ensuite devenue officiellement la directrice de production, puis vice-présidente.

«J’avais beaucoup de doutes à l’idée de me retrouver à diriger une équipe masculine, se souvient la jeune femme. Cependant, mon employeur croyait plus en moi que moi-même! J’ai finalement accepté le poste; j’ai décidé de miser sur l’aide que je pouvais apporter aux employés, plutôt que de les commander…» L’expérience s’est avérée concluante. Sept ans plus tard, l’ingénieure se sent à sa place parmi des hommes très ouverts d’esprit, dit-elle, et dotés d’une solide capacité d’écoute.

Marie-Odile Touchette a eu une autre occasion d’expérimenter la façon dont Adfast aménage les conditions de travail pour contribuer au bien-être de son personnel. En 2019, après un congé de maternité, la jeune maman se mettait beaucoup de pression pour concilier ses rôles professionnel et personnel. Son employeur lui a alors suggéré de prendre du temps pour sa famille et de moduler son horaire de travail en fonction de ses besoins personnels. Même chose aujourd’hui, alors qu’elle revient d’un second congé de maternité.

Avec le recul, la vice-présidente – Production mesure les avantages à faire plus de place aux ingénieures au sein de l’entreprise. «Selon moi, les femmes peuvent apporter une pensée plus analytique pour résoudre les problèmes. Elles ont peut-être davantage tendance à peser le pour et le contre, à prendre du recul avant de prendre une décision, et à consulter les différents services concernés.» Marie-Odile Touchette estime que ce fonctionnement plus collégial et réfléchi a pour effet d’encourager l’innovation et de conduire à de meilleurs investissements. Au fond, la diversité a toujours meilleur goût.

Marie-Odile Touchette, ing.


Femmes en génie

Guide de l’employeur pour un milieu de travail plus diversifié, inclusif et équitable

Consulter la version complète.

Cet article est inclus dans :

Voir aussi