Au plus près des façades
Cet article s’inscrit dans la collection « Encadrement professionnel ».
Par Pascale Guéricolas
En collaboration avec Quentin Perrier, ing., président de Génirom
Pendant que certains membres de l’Ordre conçoivent des bâtiments ou se chargent de leur construction, d’autres consacrent leur carrière à veiller à leur entretien ; une tâche essentielle pour prévenir des dégradations très coûteuses pour les propriétaires, ou même des accidents graves lorsqu’un élément de façade tombe et blesse quelqu’un, par exemple.
Voilà donc pourquoi la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) révise périodiquement le Guide explicatif des exigences d’entretien des façades, destiné aux professionnels, professionnelles et aux propriétaires. Cette année, de nouveaux processus d’inspection visent à s’assurer du respect des exigences sur cette partie des bâtiments de plus de cinq étages, lorsque requis. En effet, des technologies nouvelles font leur apparition, ce qui nécessite des explications pour comprendre leurs avantages et inconvénients.
Avec ce guide révisé, les propriétaires disposent d’informations à jour pour mieux comprendre le Code de sécurité du Québec, Chapitre VIII – Bâtiment, et le Code national de prévention des incendies, et la section relative à l’entretien des façades et des parcs de stationnement. Une section les informe sur le la norme qui propose les meilleures pratiques en matière d’inspection et d’évaluation des façades, un rappel non négligeable pour les ingénieurs et ingénieures.
Des données propres à certains nouveaux outils se trouvent aussi dans cette version révisée du guide. Les drones font partie, par exemple, des technologies de plus en plus utilisées pour aider à l’inspection des bâtiments disposant de dégagements minimaux. Encore faut-il respecter la règlementation de Transports Canada en vigueur concernant la taille de ces engins et les rayons d’utilisation dans des zones proches des aéroports.
Le Guide détaille également les avantages de la thermographie, qui mesure la différence entre la température extérieure et intérieure. Cet indice sert à détecter de potentielles fuites de chaleur liées à des problèmes d’étanchéité, particulièrement lorsque le mercure descend dans le thermomètre. L’approche géomatique permet en outre d’en apprendre davantage sur les risques de dégradation d’un immeuble. L’utilisation de l’intelligence artificielle favorise le repérage des parties d’un bâtiment qui vont nécessiter des travaux dans un proche avenir, en se basant sur de nombreuses photos numériques.
Le contact avec les matériaux
Président de Génirom, qui procède chaque année à une trentaine d’inspections de façades dans la région de Montréal, Quentin Perrier, ing., connaît bien ces différents outils. Il utilise parfois la thermographie en complément des observations visuelles effectuées sur certains bâtiments. Cet ingénieur en génie du bâtiment privilégie le contact direct avec les matériaux. « J’utilise surtout le marteau pour retirer les morceaux de briques éclatées de manière sécuritaire, et mon appareil photo lorsque je fais mes inspections, explique-t-il. Avec mon équipe, nous réalisons des ouvertures exploratoires extérieures pour les façades en briques, et des ouvertures exploratoires intérieures pour les façades en panneaux de béton afin de vérifier les ancrages des panneaux. »
Pour mieux coller à la réalité des façades qu’il inspecte, ce professionnel s’est formé à la descente sur cordes il y a quelques années. Suspendu dans son harnais, il peut ainsi diriger la descente de techniciens ou s’approcher lui-même des endroits qui l’intéressent. « Jusque-là, je me sentais frustré de faire mes observations d’après des photos prises par des techniciens, indique Quentin Perrier. La véritable place d’un ingénieur, c’est au plus près de la façade. » L’adoption de ce mode de déplacement aérien s’avère moins onéreux que la location d’une nacelle dans la plupart des cas, en particulier lorsqu’il s’agit de bâtiments hauts et étroits. Sans compter que ce genre d’équipement ne peut pas être installé partout, ce qui limite parfois l’inspection d’un immeuble sous toutes ses faces.
Suspendu entre la terre et les airs, ce professionnel découvre donc l’état des linteaux au-dessus des fenêtres, ainsi que celui des ancrages de maçonnerie. Ces renseignements sont précieux pour vérifier leur degré de corrosion et les risques de résistance amoindrie qu’ils présentent. Quentin Perrier peut aussi détecter certaines malfaçons, comme la présence de membranes directement installées derrière les briques, et qui bloquent l’évacuation de l’eau. Les ouvertures permettent aussi de vérifier qu’il n’y a pas de mortier accumulé dans le vide entre la maçonnerie et le mur intérieur, ce qui empêcherait l’évacuation de l’humidité dans la façade.
Une fois l’état des lieux tracé, l’ingénieur dispose des informations nécessaires pour fournir une évaluation détaillée à son client, et lui recommander une liste des travaux à effectuer pour garder son bâtiment en bon état. Ce dernier décide ensuite de la suite des choses en fonction de son propre calendrier et de son budget. « Sur le terrain, je constate une augmentation du nombre de vérifications réalisées par la Régie du bâtiment du Québec, témoigne le président de Génirom. Plusieurs personnes me demandent d’évaluer leur bâtiment parce qu’elles ont des rappels de la RBQ, leur demandant des preuves de leurs démarches pour se conformer aux exigences du code de sécurité. » Le guide révisé de la Régie du bâtiment du Québec va donc permettre de renforcer encore un peu plus la vigilance des propriétaires à l’égard de leurs immeubles.
Lire la revue Plan Mars-avril 2023