Mathieu Lapointe, ing. : plongée dans le traitement des eaux

Mathieu Lapointe, ing., est depuis juillet 2022 professeur à l’École de technologie supérieure (ÉTS) et lauréat 2022 du prix Honoris Genius – Relève de l’Ordre. Le jeune ingénieur encadre déjà 28 étudiants et étudiantes aux cycles supérieurs qui travaillent sur une multitude de projets de recherche en traitement des eaux et en environnement.

 


Cet article s’inscrit dans la collection « Relève en génie ».

Par Valérie Levée 


En 2008, Mathieu Lapointe, qui prépare sa rentrée universitaire, reçoit une réponse positive à ses demandes d’admission en pharmacie, en droit et en génie civil. Il doit donc choisir, et son choix se porte sur le volley-ball ! « J’ai choisi Polytechnique et le génie civil, parce que j’avais été sélectionné dans l’équipe des Carabins de l’Université de Montréal pour jouer au volley-ball », avoue-t-il.

Baccalauréat en poche, Mathieu Lapointe entre chez Pluritec, une firme de génie-conseil, mais entame aussi une maîtrise en génie des eaux dans le laboratoire du professeur Benoit Barbeau, ing., à Polytechnique Montréal. Il en sort passionné par le traitement des eaux, mais hésite entre le marché du travail et la recherche.  « J’étais partagé, dit-il. Mon employeur m’encourageait à travailler et à ne pas faire un doctorat. Mais Benoit Barbeau me proposait de faire un passage direct de la maîtrise au doctorat. » Mathieu Lapointe a opté pour le doctorat, et ne le regrette pas.

De la passion du volley-ball à celle des matériaux

« J’ai adoré faire de la recherche, j’ai appris énormément sur le traitement des eaux, sur les défis des municipalités, j’ai enseigné, j’ai fait des dizaines de conférences », raconte Mathieu Lapointe. S’ensuit un stage postdoctoral au Département de génie chimique de l’Université McGill, dans le laboratoire de Nathalie Tufenkji, ing., qui lui ouvre les yeux sur les matériaux. « Concevoir de nouveaux matériaux, ça me semblait la lune, poursuit l’ingé nieur. En génie civil, j’avais appris à designer des usines de traitement des eaux en béton avec des mélangeurs pour brasser des produits chimiques. Et maintenant, on me disait qu’on peut créer de nouveaux matériaux pour éliminer des contaminants dont on ne peut se débarrasser en se servant des technologies actuelles. »  C’était la dernière étape avant d’obtenir son poste de professeur au Département de génie de la construction à l’ÉTS.

«Je veux aider les villes à enlever davantage de contaminants normés et d’intérêt émergent souvent réfractaires aux traitements implantés dans nos usines. » 

Mathieu Lapointe, ing. — ÉTS

Le mariage des génies chimique et civil

À l’ÉTS, le jeune professeur développe son propre créneau de recherche visant la conception de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés pour des applications en traitement des eaux. « Je veux aider les villes à enlever davantage de contaminants normés et d’intérêt émergent souvent réfractaires aux traitements implantés dans nos usines. C’est un mariage de ce que j’ai appris durant mes études de 3e cycle et mon postdoctorat », résume-t-il. Il s’intéresse particulière ment aux contaminants d’intérêt émergent comme les micro et nanoplastiques et les composés perfluorés. En ayant recours à des procédés de génie chimique, il est possible de concevoir un matériau capable de se lier à ces contaminants grâce à ce que Mathieu Lapointe appelle le concept clé-serrure. Cela consiste à greffer sur le matériau un groupement chimique qui possède une affinité avec le contaminant ciblé. Plusieurs de ses étudiants et étudiantes s’attèlent ainsi à greffer des matériaux granulaires (sable, poudre de verre recyclé et sols) et fibreux (fibres de cellulose recyclée ou de textile). Au-delà de la chimie, l’ingénieur ne perd pas de vue le procédé de traitement des eaux dans sa globalité. « L’ingénieur en génie chimique en moi travaille sur le concept de clé-serrure, et l’ingénieur en génie civil doit garder en tête la capacité des usines de traitement qui doivent répondre à la demande en eau des villes », explique-t-il.

L’avantage des solutions passives

Solutions passives pour la gestion et le traitement in situ des eaux de ruissellement urbain. Image tirée de l’article de Mathieu Lapointe et ses collaborateurs, paru en 2022 dans Nature Sustainability, sous les termes de « Creative Commons License Attribution 4.0 International » (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

Mathieu Lapointe regarde même au-delà de l’usine et s’intéresse aux eaux de ruissellement qui récoltent les sels de déglaçage, les hydrocarbures qui tachent la chaussée, les résidus des pneus ou de toitures qui, de la gouttière, se déversent dans la rue… Pour réduire la contamination de ces eaux, il prône le déploiement de solutions passives à travers la ville. Il s’agit par exemple de décanteurs, simples bacs qui ralentissent l’écoule ment de l’eau pour donner le temps aux contaminants de se déposer au fond. Une autre solution consiste à remplacer les surfaces imperméables par des substrats d’infiltration éventuellement greffés pour capter davantage de contaminants. Enfin, les cellules de bio rétention ou des étangs combinent la décantation et le traitement biologique des contaminants par les bactéries et les racines des plantes. Les travaux préliminaires du professeur-chercheur sur le sujet ont été récemment publiés dans les prestigieuses revues Nature Sustainability (2022) et Nature Water (2023).

La relève forme la relève

Jeune professeur, Mathieu Lapointe n’en doit pas moins former la relève. Il a créé et donne un cours sur le traitement des eaux à l’ÉTS et supervise sa brigade d’étudiants et d’étudiantes en recherche. « La supervision est une bonne partie de mon emploi du temps, mais c’est la partie la plus passionnante. Je vis scientifiquement à travers les étudiants et étudiantes », confie-t-il. Son équipe déjà grande pourrait s’agrandir, car les idées de projets de recherche ne lui font pas défaut : « Chaque jour, je me demande par où commencer tellement il y a de problèmes dans les domaines du traitement des eaux et de l’environnement. » Il espère que ses travaux de recherche aideront les villes et les industries à gérer leurs eaux plus efficacement.


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