Des outils pour prévenir et gérer les conflits

Cet article s’inscrit dans la collection « ACCOMPLIR ».
Emmanuelle Gril, journaliste.
Les ingénieures et ingénieurs évoluent dans des environnements multidisciplinaires et travaillent en collaboration avec des professionnelles et professionnels ou des clients issus de milieux variés. Dans ces conditions, il peut arriver que des incompréhensions, des perceptions erronées, des méthodologies différentes ou encore des objectifs mal alignés génèrent des frictions. Il existe heureusement des façons de régler ces difficultés avant qu’elles ne prennent de l’ampleur ; et si cela se produit malgré tout, on peut quand même venir à bout des conflits.
Drapeaux rouges
Les premiers signes d’une mésentente sont souvent discrets, mais vont généralement en crescendo. Un climat lourd, un manque d’écoute, des collègues qui préfèrent se taire plutôt que de s’exprimer, l’émergence de rumeurs ou de commérages sont généralement des indicateurs que quelque chose ne tourne pas rond. « Il y a des non-dits, une forme de mécontentement qui n’est pas clairement exprimée », précise Céline Vallières, avocate et médiatrice agréée, formatrice en communication, négociation, médiation et résolution des différends.
D’autres drapeaux rouges devraient aussi nous alerter, notamment une détérioration de la communication. « On remarque des réunions silencieuses où les participants ne prennent pas la parole, des discussions de corridor ou à portes fermées, et un désengagement progressif, une augmentation des retards et de l’absentéisme », indique Marie-Michèle Dugas, MBA, CRHA, médiatrice accréditée et fondatrice de Fika RH.
On remarque des réunions silencieuses où les participants ne prennent pas la parole, des discussions de corridor ou à portes fermées, et un désengagement progressif, une augmentation des retards et de l’absentéisme.
Marie-Michèle Dugas, MBA, CRHA, médiatrice accréditée et fondatrice de Fika RH.
Mieux vaut prévenir…
Selon Marie-Michèle Dugas, le fait que les messages soient mal compris ou mal interprétés nuit à une bonne compréhension mutuelle et peut déboucher sur un conflit. D’où la nécessité de s’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde, particulièrement en ce qui concerne les rôles et responsabilités, ainsi que ce qui est attendu de chaque personne. En plus de la clarté, l’écoute est une autre qualité à cultiver.
Adopter un leadership positif qui inspire la confiance et le respect est aussi un gage de succès. « Le partenariat préventif vaut également la peine d’être exploré, conseille Céline Vallières. Cela consiste à se doter d’une charte définissant la façon dont on procédera en cas de conflit et les modalités qui seront appliquées pour régler le différend. »
Par ailleurs, les ingénieures et ingénieurs étant généralement plus à l’aise avec la résolution de problèmes techniques que pour régler des difficultés relationnelles, elles et ils peuvent avoir tendance à négliger ces dernières. Or, en se concentrant uniquement sur le volet technique, on risque de négliger l’aspect humain. Résultat : le problème gagne du terrain et débouche sur un conflit ouvert. Parfois des clans se forment, un manque de civilité s’installe, voire du harcèlement psychologique. C’est pourquoi Céline Vallières recommande de ne pas négliger cette dimension et même de la placer en tête de liste, car tôt ou tard, les difficultés relationnelles finiront par gangréner la motivation de l’équipe et mettront en péril la bonne réalisation du projet.
Venir à bout d’un conflit
Les deux expertes s’entendent pour dire qu’une intervention rapide, dès les premiers signes de mésentente, est la clé pour éviter que les choses ne s’enveniment. Si malgré tout le conflit s’est installé, il est encore possible pour la ou le gestionnaire d’agir afin de dénouer l’impasse, ou de demander le soutien de ressources spécialisées en gestion des conflits.
Résoudre un problème en équipe permet aussi d’apprendre et de progresser. Cela crée des liens de confiance et de solidarité. En fait, on pourrait comparer cette situation à la dynamique d’un couple : en surmontant les difficultés, on grandit et on évolue ensemble.
Céline Vallières, avocate, médiatrice agréée et formatrice
Les règles d’or des deux médiatrices
- Accepter que l’on ne puisse pas toujours s‘entendre. En revanche, il est généralement possible de mieux se comprendre.
- Prendre conscience de ses propres biais cognitifs aide à mieux transmettre ses messages.
- Développer son intelligence émotionnelle facilite la communication et l’ouverture d’esprit.
- Suivre des formations sur les stratégies de gestion de conflits et se familiariser avec ces stratégies permet de s’outiller et de mieux faire face aux difficultés. Le modèle de Thomas-Kilmann, par exemple, propose cinq styles différents (compromis, collaboration, accommodement, opposition, évitement).
- Garder en tête que la confrontation est normale et qu’elle peut même être bénéfique si elle amène à davantage d’ouverture aux différents points de vue et à une meilleure compréhension de l’autre.
- Ne pas gérer les conflits dans une équipe a souvent des retombées fâcheuses. Au bout du compte, de précieuses ressources pourraient proposer leurs services à une autre entreprise et décider de quitter le navire. Ce sont des pertes qui, en cette période de rareté de main-d’œuvre, coûtent cher.
- Se rappeler qu’il n’existe pas de recette magique et que chaque cas est unique. Il faut aussi s’attendre à y consacrer de nombreuses heures, et ce, d’autant plus que les individus ont besoin de temps pour cheminer.
Pour cela, un bon plan consiste à commencer par se demander ce qui ne fonctionne pas dans l’équipe et de quelle façon cela se manifeste, puis à chercher et définir les causes du problème. Ensuite, il faudra explorer avec les protagonistes les angles d’attaque et les tactiques possibles en fonction des divers besoins et intérêts. Enfin, on déterminera en concertation quelles sont les mesures les plus appropriées et on appliquera les solutions.
« La ou le gestionnaire devrait fournir un accompagnement durant tout le processus, mais à défaut de se sentir à l’aise pour le faire, il ne faut pas hésiter à aller chercher de l’aide, suggère Marie-Michèle Dugas. On peut faire appel au service des ressources humaines, ou avoir recours à un facilitateur ou à un médiateur externe, par exemple. »
Voir le conflit comme une occasion d’amélioration
Un conflit est-il systématiquement négatif ? Pas nécessairement. D’ailleurs, selon le psychologue américain Bruce Tuckman, une équipe doit traverser trois étapes clés avant de devenir performante, notamment une phase de conflit. C’est en surmontant un désaccord qu’il sera ensuite possible de progresser et d’établir un véritable esprit de collaboration. Un conflit bien géré peut donc constituer une occasion d’amélioration.
Mais ce n’est pas tout, car du choc des idées peut également naître l’innovation. En effet, les frictions constituent une étincelle qui peut alimenter la créativité, parce qu’elles ont contribué à élargir les horizons de réflexion. « Résoudre un problème en équipe permet aussi d’apprendre et de progresser, conclut Céline Vallières. Cela crée des liens de confiance et de solidarité. En fait, on pourrait comparer cette situation à la dynamique d’un couple : en surmontant les difficultés, on grandit et on évolue ensemble. »
Nouvelle formation : Déconstruire le conflit : transformer les désaccords en opportunités
Pour en savoir plus sur la gestion de conflits, consultez votre Guide de pratique professionnelle (GPP).
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